Quand la gastronomie tourne en rond.


On n'arrête pas l'progrès, ma bonne dame! Après la fausse truffe laxative d'un trois étoiles valencien, le faux foie gras des défenseurs des animaux belges, voici qu'on nous propose pour achever de contrefaire nos réveillons du "caviar de truffe", caviar de trufa en espagnol. Du "caviar de truffe", ça fait riche, non?
Très précisément, le produit s'intitule, avec ce qu'il faut de majuscules, Truffe Façon Caviar, en français dans le texte. Le packaging a d'ailleurs été traité de façon très traditionnelle, on croirait sorti ça de l'étal d'un des meilleurs traiteurs parisiens. Pourtant, c'est dans la banlieue nord de Barcelone qu'a été fabriquée cette merveille qui revendique haut et fort son origine gastronomique. Le site Web de l'entreprise n'oublie pas d'ailleurs l'inévitable référence à la grande tradition française avec une citation du pauvre Brillat-Savarin qui ne s'attendait sûrement pas d'être un jour mangé à cette sauce-là.


D'après Acipenser S.L., le fabricant, la "recette" de la Truffe Façon Caviar est composée, à la base, de véritable Tuber melanosporum, dont on évite, comme le veut la récente tradition locale, de nous spécifier l'origine. On utilise ensuite, là encore pour faire couleur locale, l'épatante méthode chimique américaine* de sphérification (que tous les chefaillons du coinet leurs zélés exégètes voient comme "purement catalane") afin de transformer les brisures de truffe en pseudo-œufs de poisson.

Je pourrais bien sûr vous parler de l'usure, de la lassitude ressenties vis-à-vis de cette cuisine d'usine chimique aux formules et aux trucs éculés. Outre-Pyrénées (notamment), le moindre petit cuistot analphabète continue de se prendre pour un génie, un magicien des Temps modernes, en assemblant ces poudres de Perlimpinpin fabriquées en grande série par des industriels d'ici et d'ailleurs. Mais, au delà des compromissions et des renoncements que cela implique, il faut vraiment une sacrée dose d'inculture et la tête bien vide pour continuer à promouvoir cette gastronomie qui n'en finit plus de tourner en rond.


* tout est expliqué dans cet entretien avec Jörg Zipprick, un des premiers journalistes à avoir osé dénoncer le cauchemar alimentaire de la "cuisine moléculaire".

PS: Pour ceux qui veulent juste faire bon, juste quelques nouvelles du front de la Tuber melanosporum au naturel (même si l'on sait que décembre, ce n'est pas vraiment le meilleur moment pour en acheter…): on en trouverait des mûres en Provence et en Languedoc, en revanche, les nouvelles en provenance du Quercy et du Périgord sont moins réjouissantes, il faut semble-t-il attendre encore un peu. Eh oui, désolé, là, on ne parle pas de la nourriture d'usine, ce n'est pas toujours raccord avec le calendrier…

Commentaires

  1. Salut Vincent,
    Je confirme pour les truffes du Quercy, beaucoup peu mûres, les 2/3. Hier au soir, un "vrai" paysan lors d'une livraison à Toulouse, m'a montré les 3 kgs qu'il avait cavées, beaucoup de minuscules et la plupart assez blanche. Hormis une très grosse de 250 grs et quelques unes entre 30 et 80 grs, la potion n'était pas magique. 600 € pour les moins mûres et entre 850 et 1000 pour les autres notamment des sauvages.
    je vais donc attendre, mais cela me parait mieux que le caviar de truffes.

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    1. Hola Jean-Louis,
      mes infos étaient paysannes aussi et me décrivaient la même situation qui n'est pas exceptionnelle à la mi-décembre.
      Pour ce qui est du "caviar de truffes", j'ai envie de dire pour paraphraser Bouddha: "si ce que tu as à manger est moins beau que le vide, alors ne mange pas."

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  2. Vendues "autour de 800" hier au marché de Lalbenque (Lot)... Des petites, des grosses, des mûres, des pas mûres, bref, pour tous les goût$... Mais il est bon d'attendre janvier bien $ûr...
    Gr

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  3. Ca me choque quand même (presque) moins que le faux foie gras.
    Pour les vraies truffes, on va attendre encore un peu, fait trop humide, faudrait un bon froid hivernal de janvier pour sortir des truffes dignes de leur parfum envoûtant...

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