Le déclin de Parker et la Presse du vin.


Pourquoi ai-je donc tant écrit sur la dernière "affaire Parker"? De France, principalement, la question m'a été maintes fois posée ces derniers jours. D'abord, ce n'est pas une affaire. Pas plus que ne le serait la cession (totale ou partielle) par un épicier, un blanchisseur ou un quincailler de son fond de commerce. Il n'y a rien d'extraordinaire dans tout cela, à commencer par le montant présumé de la transaction que je révélais mardi matin, dix ou quinze millions, selon que l'on prenne en compte ou pas les commissions versées aux "facilitateurs d'affaires". C'est même assez peu cher si l'on imagine, comme je l'écrivais avant-hier, "l'énorme machine à pognon" que peut devenir The Wine Advocate en Asie, avec une bonne gestion de ses "produits dérivés" par les (presque) mystérieux investisseurs singapouriens.


Ce qui est une affaire, c'est de constater qu'une des dernières publications sans publicité va, à plus ou moins court terme, disparaître, en tout cas sous sa forme actuelle. Ce qui est important aussi, c'est de prendre acte du départ en semi-retraite d'un personnage qui, qu'on le veuille ou non, a profondément marqué depuis trente ans l'industrie du vin de prestige, du vin cher, mais pas seulement, je connais des libertaires, des qui, au comptoir, "se foutent de Parker" et qui attendent ses émissaires avec impatience. On peut ne pas être d'accord avec la philosophie du guru de Monkton, avec son système de notation "au kilo", c'est mon cas, mais il serait stupide de pas s'accorder sur ce point, sur son influence, fut-elle déclinente.
Et même ce déclin, parlons-en: "Parker, c'est fini!" m'ont dit plusieurs d'entre vous, y compris certains qui depuis des années en ont assez de tenter de survivre à l'ombre de ce grand chêne. Or, quand vous tenez un blog, vous avez des statistiques, précises, instantanées, je peux vous assurer que mes révélations sur la vente du Wine Advocate ont valu à Idées liquides & solides des pics d'audience hymalayens. Donc, ne nous trompons pas, Parker, même s'il ne passionne peut-être plus, intéresse toujours.


Mais, pour être honnête, personnellement, ce qui m'a le plus troublé ces derniers jours, c'est l'attitude de la Presse du vin, cet espèce de silence gêné qui a entouré la cession du Wine Advocate. Vu l'importance accordée durant toutes ces années au système Parker, on aurait pu espérer à l'annonce de cette information, lundi matin, que l'on cherche en savoir un minimum sur ses tenants et ses aboutissants. Que nenni! Visiblement, la règle des cinq W (who did what, where and when, and why) est aussi démodée que les blockbusters de l'ère parkérienne. Loin de moi l'idée de donner des leçons de journalisme (elles sont généralement grotesques), mais je suis stupéfait de voir à quelle vitesse tout le monde s'est lancé dans le commentaire d'une information dont nous n'avions finalement quelques bribes, les quelques os à ronger que Robert Parker et ses nouveaux maîtres avaient bien voulu nous jeter. Comme au début de l'affaire du Jumillagate qui aboutit il y a un an au départ du numéro deux du Wine Advocate et où tout le monde (exception faite de Jacques Berthomeau, Jim Budd et de Harold Heckle) passa sous la table, j'ai eu le déplaisir de vérifier une nouvelle fois que pour beaucoup d'échotiers pinardiers, investigation rimait encore avec incorrection.
Et malheureusement, une nouvelle fois (bis), ce sont nos amis anglo-saxons, en l'occurrence Adam Lechmere de Decanter et Tyler Colman, A.K.A. Dr Vino, qui nous ont redonné le sens des priorités: les faits avant le commentaire. "Peu importe", me répondra-t-on en France, "Parker, on s'en fiche." Certes, mais, il me semble que dans l'Hexagone, au Pays du Vin (ne jouons pas les faux modestes!), la moindre des choses serait d'avoir une Presse agressive, au sens rugbystique, puissante, réactive, qui maîtrise la culture vinicole (et son actualité) comme nos paysans maitrisent l'agriculture vinicole, sans attendre que d'autres viennent nous expliquer la messe. Cela nous permettrait peut-être à l'avenir d'éviter de nous faire refiler un autre (ou des autres) Parker…

PS: ça n'a rien à voir, mais n'oubliez pas, pour ceux que notre merveilleuse langue française rebute, d'aller visiter la version anglaise de mon blog, sur webflakes.com

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