Le vrai verre à vin 'naturel'?


Une réclame m'apprend que le cristallier Riedel lance une nouvelle gamme de verres. Son nom, Superleggero, est semble-t-il un hommage à un style de bagnoles de sport nées dans l'Italie mussolinienne des années trente, les Superlegerra. Maximilian Riedel, l'héritier, a effectivement l'air d'être plus porté sur le vroum-vroum que sur le glou-glou.
Cela étant, l'entreprise Riedel a bien raison de se bouger parce que pendant qu'elle se dispersait, bricolait du godet à Caca-Cola ou à Nespresso, ses concurrents, au lieu de s'intéresser aux merdes industrielles, innovaient, cherchaient afin d'améliorer les verres des amateurs de vins. Je pense notamment à Zalto qui a redéfini le verre de luxe, justement en l'allégeant à l'extrême. D'une certaine façon, l'annonce de cette nouvelle gamme Superleggero tend à démontrer que Zalto a gagné puisque Riedel suit le mouvement et s'aligne désormais sur le nouveau standard, celui du contenant "qu'on oublie", qui s'efface devant son contenu. Reste à voir les prix, qui ne sont pas le point fort de Riedel.


Si je vous reparle de verres, c'est parce qu'en servant des canons derrière un bar m'est justement revenu le souvenir des mots de Maximilian Riedel dans une lettre qu'il m'avait faite parvenir, et où il évoquait mon idée (un rien humoristique) de créer un modèle spécifique au vin naturel. En fait, au delà de la boutade, je crois que ça ne sert à rien, parce que ce verre, il existe déjà.
Pour comprendre, regardons l'évolution de la cristallerie de table depuis vingt ans. Très clairement, les verres ont enflé. Jusqu'à atteindre des formats incroyables, très prisés à une époque, dont la contenance s'apparente davantage à celle d'une baignoire qu'à celle d'un gobelet. Beaucoup de bling-bling, une bonne dose de ridicule dans tout ça, et un délire où le vin ne devient plus qu'un nez, qu'un parfum. Au point qu'on en oublie qu'il peut éventuellement s'agir d'une boisson. 
En Espagne, où cette verrerie a connu un succès considérable, beaucoup de producteurs se sont d'ailleurs mis à élaborer des "vins de nez" juste bons à flatter, à impressionner des narices de oro mais totalement imbuvables.


Or, avec beaucoup de vins naturels, la problématique est exactement inverse. Plus que d'être formatés pour la dégustation pure, ces jus n'ont d'autre finalité que d'être bus, pourquoi pas à grosses gorgées. Et, même si ça agacerait un peu Jules Chauvet amoureux du parfum des roses, ce sont leurs qualités de bouche qui sont mises en avant. Le nez, lui est assez souvent en retrait, à cause par exemple de la réduction.
Dans ces conditions, il faut impérativement éviter les verres qui mettent en avant l'olfaction (la rétro-olfaction suffira) et revenir à des formats plus raisonnables et à des remplissages plus conséquents. N'exagérons pas, il n'est pas utile d'en revenir à la façon des zincs d'antan, à ras-bord comme sur l'image du début de cette chronique, mais à l'usage, je vous assure que ça fonctionne. Et pourquoi pas avec un bon vieux verre ballon? Ou avec ces merveilleux verres de bistrot qu'on arrive encore à chiner ici et là. Je sais que certains vont hurler, me traiter de barbare, pourtant, essayez, vous boirez…





Commentaires

  1. Et un verre pas trop transparent non plus, pour les non-filtrés ;-)

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    1. Sauf pour ceux que la limpidité inquiète.
      J'en profite d'ailleurs ici pour placer cette citation qui me vient de Didier Michaud, le vigneron de l'excellent Château Planquette. Enfin, "Château", pas tout le temps, juste quand les examinateurs vétilleux et parfois un peu coincés de Quali-Machin lui permettent de produire du médoc plutôt que du vin-de-france.
      "Les vins ne sont pas faits principalement pour plaire à la vue et à l'odorat" Jules Guyot.

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    2. Tu peux dire "Bordeaux". Ce-n'est-pas-sale.

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    3. C'est Quali-Bordeaux, pas Quali-Sud? Je ne sais plus… Je parle évidemment des gros malins qui ont déclassé Pontet-Canet, offrant du même coup à la famille Tesseron une pub inespérée, et au Médoc un contre-pub absolument détestable, l'enfermant dans une réputation de types rétrogrades, aveugles, dépassés. C'est vrai que ça mérite de les nommer parce que c'est un coup de maître…

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  2. Réponses
    1. N'oublions pas toutefois, Nicolas, que les Barbares sont venus en finir avec un Empire décadent.

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