Boire 'nature', c'est bien, écrire 'nature', c'est mieux.


Je hais l'unanimisme, la simulation, les sourires commerciaux. Et à de multiples reprises, je vous ai parlé des VRP qui grenouillent dans le Mondovino pour chanter les louanges de telle ou telle bouteille. Dans leur propagande et leurs vers de mirlitons, "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil", le pinard qu'ils vendent est forcément génial. À tel point qu'il est formellement interdit d'en douter, ou même se poser de la question de savoir si on aime ou pas. Essayer de comprendre un ordre, c'est déjà désobéir…
On a longtemps vu ce genre de zouaves à l'œuvre dans les grands crus, bordelais notamment. Même si on avait de la merde dans le verre, il était obligatoire de s'extasier. Rejoints par les vendeurs de blue-jeans reconvertis, ils sévissent depuis quelques années dans le vin nature. On vous sert un jus infect qui pue le mauvais cidre, ils se pâment devant sa "minéralité", son "côté racinaire", cette "parfaite expression du terroir". N'essayez pas de les contredire, ils sont en service commandé, étanche à toute forme de libre-arbitre et d'intelligence.
Voilà donc pourquoi j'ai accueilli avec joie l'article publié ce soir par la pasionaria américaine du vin nature, Alice Feiring. Elle y remet les pendules à l'heure


Contrairement aux propagandistes dont la communication vous a parfois un petit air nord-coréen, Alice Feiring pose clairement le problème. Les vins nature ne sont pas forcément bons. C'est une évidence pour tous les gens sensés, mais le dogme, singulièrement en France, interdit de l'évoquer. La ligne du Parti est inflexible, ce qui est nature ne peut être que bon, c'est un axiome.
J'adore d'ailleurs le passage où elle évoque ces buveurs à la mode (et sûrement un peu novice dans la pinardocratie) qui ont besoin de vins caricaturaux, aux défauts aisément reconnaissables, afin d'être rassurés. J'ai même l'impression de me lire* quand Alice Feiring les compare, exactement comme je l'ai fait, aux amateurs de vins ultra-boisés qui, eux aussi, face à une pipe-à-pinocchio se sentent "à la maison", en terrain de connaissance.
Intéressant aussi ce propos sur le systématisme des macération carboniques, un procédé technologique qui, qu'on le veuille ou non, standardise les vins, les rend souvent simplets et un peu gadgets, à l'image de la mode Kawaii au Japon. Car, rappelle fort justement Alice Feiring, on peut aussi envisager le vin nature autrement, avec une structure, des tanins, une acidité. à l'image de ce cher Clos Cristal aujourd'hui disparu** et dont la consommation importante m'avait valu de la part d'un des VRP naturistes parisiens l'accusation d'aimer "le vin nature pas très nature"…
Un texte rafraîchissant, engagé certes, parfois embrouillé car on sent que les mots ont du mal à sortir, mais à l'opposé du radicalisme et de la bêtise primaire des propagandistes. Un texte nature, quoi.




* J'ai souvent fait le parallèle entre ces aveuglements cousins, ici en particulier.
** Les dernières et précieuses bouteilles, vous le savez, c'est là.

Commentaires

  1. Son dernier ouvrage traduit en français, paru en 2012, "Le Vin nu", était déjà très instructif sur le sujet...

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  2. Bonjour Vincent. Si je lui reconnais un style, et peux partager certains de ses engouements, je trouve que Mme Feiring manie trop facilement l'anathème, ce que je hais encore plus que l'unanimisme.
    https://les5duvin.wordpress.com/2016/06/29/et-vous-vous-etes-plutot-bettane-ou-feiring/

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