En España, on dit Cocu-Cola…


Si ce n'était pas dramatique dans un pays où près de la moitié des jeunes est au chômage, on pourrait presque rire de cette info à la Une d'El País: Iberian Partners, le bras armé de la Caca-Cola Company en Espagne annonce la suppression de 750 emplois. Une jolie façon de remercier ce pays dont les habitants se font quotidiennement couillonner en plébiscitant le breuvage brun (lequel s'accorde si bien avec le quasi monopole des mauvais films américains sur les télés ibériques). D'autant qu'il s'agit d'une belle, longue et intense histoire d'amour, entamée avec la bénédiction de Franco. Décidément, la fidélité est mal récompensée, on se sentirait cocu pour moins que ça!


Avec trois millions de litres par an, l'Espagne est en effet le "champion d'Europe"* de consommation de Caca-Cola per capita. Pire, Iberian Partners représente le plus important chiffre d'affaires de l'agro-alimentaire espagnol, toutes catégories confondues, pour une facturation de plus de trois milliards d'euros! Le Coke local est plus sucré que dans le reste de l'Europe, on le boit comme de l'eau, naturellement, sans se poser de questions. Même le moins bien irrigué des nationalistes, fut-il catalan, défendra bec et ongles son "identité" en buvant du Caca-Cola, mais étiqueté en patois…
Et, bien entendu, le breuvage brun formate depuis des décennies, depuis soixante ans exactement, le goût espagnol, de la bouffe au pinard. Les cuistots emblématiques de la péninsule sont, comme il se doit, complices de cette entreprise de déculturation. Le premier d'entre eux, Ferran Adrià, le petit chimiste de Rosas, a même réussi un exploit: tout en célébrant bruyamment Caca-Cola dans l'horrible Tickets de Barcelone (désormais étoilé du Guide des Pneus), il a servi d'effigie à une série de canettes de Pipi-Cola. Si ce n'est pas de l'ouverture d'esprit!


Dans le Mundovino ibérique, c'est la même histoire, le Caca-Cola, c'est la madeleine de Proust. Il n'est pas rare de voir de grands professionnels du vin, dégustateurs, sommeliers, journalistes, se défoncer la gueule au breuvage brun avant de donner leur avis éclairé sur tel ou tel cru du coin, qu'ils ne trouvent jamais ni trop sucré, ni trop vanillé, ni trop boisé…
Vous vous en doutez (désolé d'y revenir, mais c'est l'actualité), le godet que Riedel a dessiné pour célébrer "toutes les subtilités et la complexité des arôme (sic) de cette boisson […] extraordinaire, incontournable" a été accueilli ici avec toute la claque nécessaire. Les experts sont ravis. Les 750 chômeurs supplémentaires des Asturies, des Baléares et de Madrid, virés par Iberian Partners un peu moins. Avec ou sans verre de cristal, leur Cocu-Cola aura un goût amer.




* On l'ignore souvent, mais aux Amériques, le champion (champion du Monde d'ailleurs) ce ne sont pas les États-Unis, mais le Mexique, premier consommateur de la planète par habitant.

PS: Tout en haut de cette page, la sculpture de Franco dans un réfrigérateur dont le logo rappelle une marque bien connue est une œuvre d'Eugenio Merino. Elle avait fait scandale en Espagne il y a deux ans.


Commentaires

  1. "Désolé d'y revenir"… Oui, nous aussi on est désolé. Ya un côté attachée de presse à l'envers assez embarrassant. Une qui me harcèlerait comme ça, elle aurait du souci à se faire.

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