De l'art ou du cochon?


Bon ou mauvais goût, je ne sais pas. Mais j'ai vu que la patrouille montait au créneau pour dénoncer la "photo raciste" de Dasha Zhukova, la compagne du milliardaire russe Roman Abramovich, propriétaire je crois d'un club de manchots en Angleterre. Il est vrai que cette image a été publiée par un magazine le jour de la commémoration de Martin Luther King. C'est donc de racisme dont on a parlé. Publiée à l'occasion de la Journée mondiale de la Femme, on aurait sûrement crié au sexisme…
Pour autant, cette chaise, son idée en tout cas, est une vieille chose. Le modèle qui fait scandale n'est qu'un hommage, une réplique, un pompe comme vous voulez: elle a été créée par le Norvégien Bjarne Melgaard, en 2013. Dasha Zhukova travaille d'ailleurs dans la mode et l'art.


Ce qui m'étonne, c'est que personne dans la Presse n'ait immédiatement pensé non pas à la pompe, mais à l'original de ce siège. Un modèle connu d'un artiste Pop Art du Swinging' London, Allen Jones, controversé comme il se doit, mais a-t-on attendu Jeff Koons pour la controverse sur le bon et le mauvais goût? La chaise date de 1969 (année?…), elle est escortée d'une table et d'un porte-manteau de même inspiration. Ses œuvres de celluloïd sont devenues avec le temps assez recherchées, Christie's en vend une de temps en temps, la Tate en expose. Les cinéphiles se souviennent qu'il meubla le Korova Bar d'Orange mécanique.
Chez Jones (ci-dessous), dont les poupées avaient la peau blanche, il s'agissait au delà de l'érotisme de ce mobilier bondage, de dénoncer la femme-objet. Son successeur norvégien, Melgaard, y a ajouté la notion de racisme.  Le rappeur américain Pharrel Williams en a même tenté une interprétation, c'était on s'en doute moins heureux, plus lourdingue.


La question qu'on pourrait se poser est de savoir si à force de bons sentiments, d'ostentation des bons sentiments en tout cas, nous n'allons pas devoir tout censurer. Avec le temps, nos yeux sont devenus si chastes… Par la force des choses. Et parfois aussi par la force de la Loi. Moralisme, hygiènisme gèrent les apparences de notre quotidien. Le monde si sympathique, si souriant, si positif, de Walt Disney et de Caca-Cola gagne chaque jour du terrain, se trouvant même parfois des alliés inattendus. Heureusement, en sous-main, underground, toute puissante, la saloperie, la vraie, elle, se porte bien, merci. Les putes ont du boulot.
Comme je l'ai déjà écrit, l'après-68 fut l'époque de Monsieur Plus, nous vivons désormais aux temps de Monsieur Moins: sans gluten, sans sucre, sans soufre, sans gras, sans alcool, sans viande, sans cul, sans poil… On enlève, on coupe, on retranche. Le puritanisme gagne. Ce n'est pas très gai. Résistons.




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