Bordeaux, côté Sud, côté "normal".
Je ne sais pas vous, mais j'ai de plus en plus de mal avec les évènements pinardiers. Les salons, les foires, les rencontres… À moins que je ne devienne neurasthénique. Ou agoraphobe. "J'aime pas les gens" disait un de nos amis chers. Peut-être… Bref, j'étais à Bordeaux, pile-poil au moment de Vinexpo, le "Salon international du Vin et des Spiritueux", et je n'y ai pas fichu les pieds. Pas plus que dans les offs, d'ailleurs. Il y en a bien certains qui me faisaient des clins d'œil, où j'aurais eu plaisir à revoir tel ou telle, à plonger le nez dans des verres inconnus. Sans parler d'invitations que j'aurais du honorer, d'une lamproie tentatrice et autres gentillesses. Ben non, manque de temps, manque d'envie. C'est ainsi. J'avais besoin de vin intime, fraternel, amical.
Et puis, franchement, je ne me voyais pas arpenter les moquettes jetables, le teint hâlé par les quelques millions de kilowatts de projecteurs halogènes du Parc des Expositions de Bordeaux-Lac. Ces poignées de mains distraites, ces sourires forcés, les commerciaux aux chaussures pointues déguisés en vendeurs de bagnoles, leurs plaisanteries à deux balles… Et les "hôtesses", "spectaculaires" comme disent les espagnols pour parler de ce qui est imbuvable (ou imbouffable), ces bimbos nabilesques (vous voyez que je vis avec mon temps!) qui surjouent leur amour pour la fête et les alcools qui rendent sourds et aveugles, les vodkas marketées, les champagnes de pute et les rons à l'élégance pigeonnante.
N'y voyez aucun mépris, j'ai rappelé il y a peu tout ce qu'un pays comme la France devait à l'industrie du vin et des spiritueux qui à elle seule comble l'abyssal déficit de la Sécu. Je crois simplement que j'aime trop le vin, ce qu'il représente, ce qu'il véhicule, sa culture, son message, pour le voir dans cette (petite?) tenue, se faire tripoter par le premier venu.
Mais, à Bordeaux, le vin, je ne lui ai pas tourné le dos; ce serait un peu comme aller à Lourdes sans voir la Vierge (qui, elle, a les pieds dans l'eau). Vu la qualité de ce qu'on mange dans cette ville, il y est de toute façon totalement impossible de ne pas taquiner le goulot. Donc, je suis parti à la rencontre du vin des gens "normaux". Enfin, vraiment "normaux": ceux qui ne font pas de discours et payent leurs bouteilles. Ni bourgeois, ni bohèmes, non plus, "normaux", je vous dis, qui vont dans des bistrots absents des guides et mangent des tricandilles (ci-dessus) sans "faire leurs sucrées".
J'ai bien évidemment évité les vins pour Chinois, Américains & journalistes, les grands crus glacés en chêne massif (tous ne sont pas comme ça heureusement!); j'ai acheté des bouteilles là où elles s'achètent, en quantité. Dans une improbable zone commerciale, à La Teste, j'ai même rencontré un jeune caviste de la chaîne Cash Vin qui a parfaitement entendu mon non-désir d'étiquettes.
Et, avec lui, j'ai pioché dans l'immense gamme des bordeaux "normaux", de ceux qui ne font pas la Une des magazines, de ces innombrables sans-grades dont, je le sais, certains souffrent pendant que les néo-châtelains se pavanent et font beaucoup d'efforts pour rendre encore plus détestable l'image des vignerons girondins. Je ne vais pas vous infliger la longue liste de ces crus dont les tarifs sont restés humains et qui n'ont pas non plus succombé à la vulgarité boisée. Des "petits" bordeaux tel ce Floréal-Laguens 2009, une petite gourmandise à sept euros; un joli second vin de Pessac-Léognan, Les demoiselles de Larrivet-Haut-Brion 2010 dans les dix euros, des médoc, aussi, des beaux classiques, Les Ormes-Sorbet 2010 ou de La-Tour-Haut-Caussan 2009, ou du saint-émilion sans millions, le Clos des Menuts 2009, des délices qui coûtent la moitié du prix d'un priorat raté et que les snobs ne regardent plus car ils les croient démodés. Bref, je me suis régalé de ces bouteilles bordelaises riches et fraîches, pleines d'étoffe, aux tanins mûrs, gorgés du soleil, de ces bordelaises sudistes qui portent la jupe un peu plus courte que d'habitude, et qui s'offrent avec spontanéité. Et ça, je vous l'assure, renouer avec le bordeaux qui se boit, qui donne envie de manger, avec le "bordeaux de table", de bistrot, c'était rassérénant. Aussi rassérénant que le chaud soleil de juin (déjà un souvenir…) qui donnait un air méditerranéen au Grand Théâtre…
PS: pour ce qui est de la photo ci-dessus, je l'avoue, j'ai triché, elle a été prise en chemin, dans une des accortes "aires de repos" de l'Autoroute A62, au bistrot L'entracte de Valence d'Agen où Élian Da Ros et la famille Plageoles nous ont souhaité, sur de pantagruéliques côtes de cochon des Pyrénées, la bienvenue dans le Sud-Ouest.
"Élian Da Ros et la famille Plageoles nous ont souhaité, sur de pantagruéliques côtes de cochon des Pyrénées, la bienvenue dans le Sud-Ouest".
RépondreSupprimerC'est clair qu'avec un accueil pareil, le séjour en terres bordelaises ne peut qu'être agréable.
Et bravo pour aller dénicher de beaux et vrais vins à des prix normaux, heureusement que quelques cavistes ont encore un immense respect du nectar...
J'essaierai cette aire de repos, car pour l'instant, ma "cantine" dans le quartier est à Buzet, au Vigneron. Et à la saison, sur la route, on peut même acheter des fraises chez le producteur
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