À ta santé, Hassan! Relis Omar.


Une hirondelle ne fait pas le printemps, n'empêche qu'en ces périodes où l'obscurantisme se tire la bourre avec la connerie bien-pensante, c'est une bonne nouvelle qui est tombée hier. Je sais, les choses sont généralement plus compliquées que ce qu'on en dit à la télé, cette boîte à cons dont je trouve (à chaque fois que je l'allume, c'est à dire rarement) les analystes ripolinés beaucoup moins drôles que les pochtrons du café du Commerce… Mais l'élection d'un type apparemment moins excité à la présidence de l'Iran, il est difficile de ne pas s'en réjouir. Surtout dans le pays-symbole, "précurseur", de la nuit intellectuelle qui est tombée sur le monde musulman.
Nous boirons un verre ce midi, pour fêter l'apparition de cette lueur d'espoir. L'idéal eut été un Vin Maghani, le vin des mages qu'Omar Khayyām, archétype d'une pensée perse lumineuse, curieuse, inventive, célébrait dans ses Quatrains. Ici, à Bordeaux, ce ne sera peut-être pas le plus facile à trouver même si je sais que le créateur de la version moderne, languedocienne, du Vin Maghani va présenter* ses derniers millésimes dans un des offs qui égayent quelque peu le monolithisme de Vinexpo. Que boirons-nous à la santé d'Hassan Rohani? Je ne sais pas encore. Peut-être un saint-émilion ultra-classique, du genre d'avant la grande Catastrophe (depuis laquelle l'orthographe du charmant village girondin a été réformée en Saint-&-Millions et la grandeur des crus se mesure en fonction de la superficie de leurs parkings), genre Soutard authentique, Clos des Menuts, quinze ans d'âge minimum. Ou un médoc improbable, du Bel-Air Marquis d'Aligre des bons jours, un Ormes-Sorbet (j'en ai un dans le coffre) pour rendre hommage à l'élégante discrétion du regretté Jean Boivert, élégance qu'on devrait enseigner à certains nouveaux riches du vignoble dont le plaqué-or n'efface pas les manières d'épiciers. Nous verrons.


En attendant, revenons-en au grand Omar Khayyām et souhaitons que les faqhis, les docteurs de la Loi (leurs tristes cousins tentent une percée en France) autorisent Hassan Rohani à exhumer d'une bibliothèque murée de Téhéran un exemplaire préservé de ses Quatrains. Et alors, un verre un à la main, saluant ce beau et grand pays qu'est l'Iran, nous lirons avec lui.

    « Hier est passé, n’y pensons plus
    Demain n’est pas là, n’y pensons plus
    Pensons aux doux moments de la vie
    Ce qui n’est plus, n’y pensons plus »

    « Ce vase était le pauvre amant d’une bien-aimée
    Il fut piégé par les cheveux d’une bien-aimée
    L’anse que tu vois, au cou de ce vase
    Fut le bras autour du cou d’une bien-aimée!  »

    « Elle passe bien vite cette caravane de notre vie
    Ne perds rien des doux moments de notre vie
    Ne pense pas au lendemain de cette nuit
    Prends du vin, il faut saisir les doux moments de notre vie »

À ta santé, Hassan! Au passage, pour te répéter ma joie, je t'envoie une carte postale du Grand Théâtre. Il était magnifique, hier soir, quand nous sommes allés nous coucher, après avoir bu du vin, modérément, et passé une belle soirée d'hommes à La Tupina, croisant brièvement un springbok plein de douceurs.



* Petit coup de pub, je sais que le grand Marc Valette (qu'il me faut appeler, je le sais) présente son Vin Maghani, entre autres, lundi 17 juin, au Saint-James, en compagnie d'autres vignerons sudistes dont Hervé Bizeul (dont je parlais hier) et Marc Bournazeau. On me dit même qu'on y goûtera du Charles Joguet, dont les 2010 et 2011 sont épatants!

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