Métro, resto, bobo : la fatalité ?
C’est parti! Je savais bien que mon billet d'hier sur la banalisation de la Métronomie dans la restauration française ferait quelques vagues, eh bien, je ne suis pas déçu. Principalement sous forme de messages privés (on se mouille mais pas trop…), on explique au débile que je suis que désormais “tout le monde va chez Métro”, que "c’est impossible de faire autrement”, me donnant au passage une leçon sur les fonds de sauce*. Bref, me dit-on, quand on a décidé de ne pas décongeler du Davigel afin d'élaborer du "fait-maison", il n'y a aucun autre moyen pour nourrir ses clients que d'aller pousser des caddies dans une zone industrielle (en achetant au "rayon frais" des petites fleurs à mettre dans les assiettes pour faire écolo…).
Je ne reviendrai pas sur le contexte économique, relisez mon texte d'hier. Mais j'ai vraiment l'impression d'entendre les mêmes arguments, les mêmes justifications bien franchouillardes qu'on me balançait à la figure lorsque que, par exemple, j'affirmais qu'il fallait vraiment être un plouc pour aller acheter ses tomates au supermarché en été. Une candidate d'un des jeux de gastro-réalité m'était tombé dessus pour m'expliquer, là encore, qu'il était impossible de survivre aujourd’hui sans fréquenter Leclerc, Carrefour ou Lidl. Bref, le grand refrain de la fatalité, des choix que l’on fait à notre place, de l’irresponsabilité collective. Ce refrain qui fait, pour sortir du monde de la malbouffe, que "de Dunkerque à Tamanrasset", nos pavillons pourris ont le même horrible portail en plastoc, poussé par des types habillés avec le même survêtement bengali, qui regardent le même match de foot sur le même écran à cristaux liquides en buvant la même bière accompagnée des mêmes chips.
C'est la nouvelle Internationale: tous unis par la standardisation, éventuellement par la mocheté et la malbouffe, par le made in ailleurs, et surtout par le made in n'importe où, avec n'importe quoi, n'importe comment et par n'importe qui. Au mépris, ça va de soi, de l'emploi, du tissu social, de l'urbanisme et de l'écologie…
Eh bien moi, excusez-moi, cette fatalité, j'ai la faiblesse (le romantisme diront certains) de ne pas y croire. Et même si j’y croyais, je me dirais que le minimum syndical, y compris dans un des derniers pays communistes de la planète, où l’État doit nous sauver de tout, c’est de la combattre, de résister.
C'est de se remettre à faire des choix. De lutter contre la banalisation et l'industrialisation de cet incroyable patrimoine culturel que représente la gastronomie française. Et encore plus quand on est étoilé!
Cela étant, heureusement, des restaurants où l'on refuse le rouleau-compresseur de la grande distribution, l'univers du moins-disant et de la gambas de camping, où l'on n'a pas envie, comme des moutons, de servir les mêmes plats, les mêmes produits que le voisin, ça existe encore! Ces "farfelus", ces "hurluberlus", ces "arriérés", il me semble en parler de temps à autres dans ce blog; vous voulez que je vous raconte de nouveau l'histoire de La Ferme de La Ruchotte en Bourgogne, de l'auberge de Patrick Duler au Domaine de Saint-Géry dans le Lot, des poissons libres de Villa Más et de La Menta en Espagne? Et des "résistants", il y en a d'autres, beaucoup d'autres, je le sais, qui ne vont pas au marché que pour se faire photographier, qu'il me tarde de visiter comme Le Sillon de Bretagne près du Mont-Saint-Michel, chez Virginie et Charles Xerri dont le discours me parle, d'autres aussi qui à leur tour décident de rejoindre le maquis des produits comme en témoigne ma dernière conversation avec le Barcelonais Guillem Oliva, de Monvínic.
Allez, pour conclure, comme un pied de nez optimiste à la "fatalité" du pousse-caddie, je vous offre en cadeau la liste (intégrale) des fournisseurs de l'aubergiste-militant du Sud-Ouest chez lequel je fais commis de cuisine depuis trois semaine. Et il ne fait pas manger ces produits qu'à des types qui arrivent en Bentley ou en Ferrari, même les marcheurs des Chemins de saint Jacques (vous savez, les types qui ont des bâtons de ski en été) y ont ont droit, je vous promets, même si ça leur fait bizarre au début, ça leur change les habitudes, surtout quand on leur dit qu'on ne vend pas de Caca-Cola…
Voila, tout simplement, parce que des produits sains, solides ou liquides, pas forcément hors de prix, nous en avons besoin pour remplir les rayons de notre bibliothèque des goûts et des saveurs. Une bibliothèque qui pour trop de consommateurs (et de cuistots) commence à s'appauvrir dangereusement, hésitant entre l'album à colorier et le dernier numéro de Voici…
* À ce sujet, dans un style moins beauf', plus Guide des Pneus, j'ai vu hier la magnifique plaquette haut-de-gamme sur papier glacé (ci-dessous) des nouveaux fonds gastronomiques en poudre de chez Nestlé (l'ami des cuistots de luxe), la gamme Chef, du 100% naturel, "l'essence de l'authenticité", élaborés suivant un "procédé comparable à une fabrication traditionnelle". Mais en usine…
Et un autre: http://coumemajou.jimdo.com/2014/07/17/ils-font-des-vivres-aux-mac-s/
RépondreSupprimerC'était plein bourré, cet endroit.