Vive Cahuzac!


Cahuzac. En France, ce nom est partout, sur toutes les lèvres, à la Une de tous les journaux, il triomphe, sûrement, au Café du Commerce. "C'est un menteur! Un menteur!" Je n'ose imaginer le flux d'énergies négatives que doit recevoir l'ancien Ministre du Budget, lui, le salaud idéal, l'homme qu'on a envie de détester. En plus, il a la gueule de l'emploi avec son air de vieux minet permanenté, son brushing à la Tapie. Sans compter son arrogante réussite, après être passé dans le côté sombre de la Médecine. Heureusement, mes amis vignerons ne savent pas que, de surcroît, il fut un des rédacteurs de la Loi Évin…


Loin de moi l'idée, l'envie d'absoudre Jérôme Cahuzac. De minimiser son impensable faute. Mais je ne peux imaginer cet homme seul face à la foule, coupable de tous les crimes, auteur de tous les péchés du Monde, ou en tout cas d'un pays qui tarde à faire son aggiornamento démocratique. Lui, le méchant, le vilain, l'odieux, entouré de saints et d'angelots, qui, de Droite ou de Gauche, ne savaient rien, ne se doutaient de rien, candides et probes. Ils sont tellement beaux, extrêmes comprises, dans le rôle de la femme trompée, éplorée, salie qu'on aurait envie d'y croire. D'accréditer cette thèse de la brebis galeuse. Négligeant celle de l'arbre qui cache la forêt. Satisfait de voir ce monstre disparaître dans les flammes de l'Enfer.
Ainsi, on éviterait les questions gênantes, les affaires connexes, les petits arrangements entre amis. On éviterait l'inévitable débat sur la modernisation de la politique française, sur une nécessaire cure d'amaigrissement, le train de vie, la suppression des départements, le copinage, le népotisme, etc… Bien sûr, ce serait plus simple, et ça ferait du bien au "bon peuple" de se défouler avec celui qu'on lui a livré en pâture. Bien sûr, mais le "suicide" de Stavisky ne régla en rien les problèmes du gouvernement déliquescent de Camille Chautemps, ni même ceux d'une République qui partait en vrille.


Cahuzac, pour moi, c'est aussi un nom du Sud-Ouest, terre de valeurs; voila peut-être aussi pourquoi j'en appelle une bribe d'humanité. Et, comme je le notais hier, c'est un nom dont l'étymologie latino-occitane n'est pas inintéressante au regard de l'actualité récente, entre la chute (je souhaite à l'ancien ministre de relire Camus) et le chahut. Un nom qui évoque de paisibles bourgades gasconnes ou languedociennes, des coteaux ventrus, des paysages qui défilent derrière la vitre de la voiture, une certaine douceur de vivre parfumée d'ail et de graisse de canard, si loin du tumulte actuel.
Cahuzac, j'y suis passé dimanche encore (ça sent bon également les dimanches, ce nom-là), Cahuzac-sur-Vère, en haut de la sublimissime vallée creusée par cette petite rivière du Tarn qui vient, dans un ultime sursaut de beauté, se mêler aux eaux fraîches de l'Aveyron. C'est un des endroits les plus apaisants que je connaisse, une route de charme qui virevolte entre des villages intacts, précieux, Bruniquel, Puycelsi, Castelnau-de-Montmiral et, donc, Cahuzac-sur-Vère.

C'est là qu'est installé la cave de mon maître de vin, Robert Plageoles, qu'exercent désormais dans son sillage ses fils et petit-fils. C'est là que je vais puiser mes bouteilles du jour, des bouteilles sereines, à l'opposé de la curée que j'évoquais plus haut. Car, en ce quatre avril, pour souffler mes quarante-neuf bougies, je veux du vin qui rassure, du vin qu'on lit comme un livre, du vin dont on se dit, avant même de l'avoir bu, que déjà il coulait dans nos veines. Du vin né de la Nature, si proche d'elle, mais gorgé d'humanisme.

Je sais qu'il est de bon ton pour les anniversaires de déboucher de grandes étiquettes (du cher, quoi…), moi, j'ai envie de tranquillité, de douceur, d'harmonie, de cahors paysans, d'un corbières ami, de bulles dansantes, et, en l'occurrence, des gaillacs de mon maître de vin. Je veux des asperges vertes nées de la terre légère des rives du Tarn, les premières de l'année, et du mauzac vert, lui aussi, mais si chantant dans son millésime 2011. Dès hier soir, j'ai commencé à en boire à grosses gorgées (tant pis pour la Loi Évin!) car comme l'écrivent sagement les Plageoles, citant Confucius, "ce n'est pas le vin qui enivre, c'est l'homme qui s'enivre." Et je mangerai aussi des brassées de poireaux de vigne, de barraganes comme on dit à Bordeaux, avec de l'ondenc. Et du cochon, du boudin et du melsat des Monts de Lacaune, achetés chez Akim au marché d'Albi, largement arrosé de braucol, ou de duras. Et du vache de Bethmale de la Fromagerie Cathare, avec du loin-de-l'œil. Et alors, je serai à Cahuzac. Si loin de Cahuzac.


Commentaires

  1. L'endroit est magnifique, quand on monte de Gaillac vers Cordes.

    Il faut que j'aille manger à "la Falaise" un de ces 4 ...

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  2. Bon Anniversaire !
    Moi, c'était il y a 3 jours. Un petit rosé des Côtes du Marmandais, jambon persillé de Bourgogne, grenier Médocain et autres cochonnailles ont fait mon bonheur ce jour là...

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  3. et manger à Gaillac à "vigne en foule", et boire "les champs d'orphée" de stéphane Lucas, tailler la bavette avec Victor Brureau, sage et nature depuis toujours - et ça commence à faire- dans la salle de dégust' de sa Peyres Combe, admirer le punch de Damien Bonnet et son domaine de Brin, finir les yeux mouillés en se disant que La toscane ressemble à ce coteau et cette église glissée sous le ciel entre Rabastens et L'Isle-sur-Tarn...merci de me rappeler combien c'était beau.Du coup le cadeau c'est vous qui l'avait enrubanné. Feliz cumple, por supuesto.

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  4. Hihi: ma meilleure amie (enfin, l'une des 3)fait du fromage de chèvre bio à Bonnanech (la Chèvrerie des Chênes), un hameau de Monclar de Quercy. J'y suis souvent. Et nous avons des clients à Montricoux. En outre, alors qu'elle était en stage à Vaour, et lorsque je lui rendais visite, on allait se baigner dans l'Aveyron sous Bruniquel et Antonin-Noble-Val. Plus encore, de l'autre côté de Montauban, en Frontonnais, il y a le "Château de Cahuzac". Si si. Enfin, tandis que la Wehrmacht occupait la Belgique, mon défunt père avait trouvé refuge à ... l'Isle-sur-Tarn.
    A small world indeed.

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