Quand on boira de la blanquette chez Passard…


C'est un menu. Un joli menu. Du genre de ceux que sait créer ce vibrion culinaire d'Alain Passard. Il faudrait être sacrément menteur pour nier l'envie de s'attabler qu'il suscite. Et plus encore sans payer l'addition!
Car c'est le menu d'un déjeuner de Presse. La Maison Drappier invitait le Mondovino médiatique parisien à goûter, et surtout, puisqu'on est au restaurant, à boire les nombreuses références de sa gamme. Une pratique fort généreuse, absolument pas répréhensible, très courante dans le milieu des fabricants de champagne et parfois même chez les vignerons indépendants du royaume effervescent. Aucun poujado-populisme de ma part, je ne juge pas les commensaux qui, le dix octobre, ont poussé la porte de L'Arpège, grand bien leur fasse. J'ai moi-même reconnu récemment avoir dérogé à ma règle, en participant à un déjeuner de Presse*.


Les cadeaux des "maisons" de Champagne ne concernent d'ailleurs pas que les journalistes, les blogueurs et autres influenceurs** comme on dit désormais dans les agences de communication. Devenues pour certaines de véritables puissances d'argent, elles ont le cadeau facile pour leurs distributeurs, agents ou simples cavistes. D'autant plus aisément que la diversification des groupes dont elles font partie permet un bon approvisionnement en cosmétiques, sac-à-mains et autres quincaillerie dorée sur tranche. Et qu'elles ne sont pas bégueules en jolis voyages d'étude.
Je sais qu'on va m'accuser (c'est de bonne guerre) de champagne bashing. Ou même de de ne pas aimer le vins des Rois et le Roi des vins…
Relativisons. Je suis un être rustique, un ilote formé au rouquin. Je peux vivre sans bulles, peut-être à cause de mes méchants parents qui m'ont trop privé de sodas quand j'étais gosse; même en matière de bière je suis pas fortiche, même si je m'y mets parfois quand le snobisme pinardier me donne la nausée. Mais je ne fuirai jamais un champagne bien torché, vinifié avec de beaux raisins, identifiés et propres de préférence***. J'en profite d'ailleurs pour placer ici un jeune vigneron, David Bourdaire, dont les jus élancés (bouteilles ci-dessous) et vendus à prix humains m'ont de nouveau beaucoup plu.
Non, je me dis juste, alors que dans les rédactions ça turbine sur les incontournables "Spécial champagne" de décembre, que le jour où les vignerons de Limoux (ou de je ne sais quelle appellation effervescente méritante) recevront les journalistes comme ils l'ont été chez Passard, il y aura, à l'approche des fêtes, des "Spécial blanquette" très informatifs un peu partout dans les magazines sur papier glacé. Comme par hasard, des spécialistes de l'investigation se rendront compte à ce moment-là qu'à l'aveugle… Enfin, à condition évidemment qu'on assortisse au menu quelques pages de pub sonnantes et trébuchantes**** qui permettent d'optimiser les conditions de dégustation.



* Les aveux sont ici, au bout de ce lien.
** Les influenceurs tiennent même festival, si, si, c'est demain, lisez. J'avais évoqué ce genre de singeries l'an dernier, dans cette chronique.
*** Les noms ne manquent pas: Boulard, Brochet, Lahaie, Bedel, Péters, Prévost, Ruppert-Leroy, Vouette & Sorbée, Laval, Gerbais et d'autres que j'oublie sûrement au moment d'écrire. 
**** À propos de pub, je ne résiste pas au plaisir de vous livrer ce courrier de L'Obs, magazine qui désormais se pique d'avoir des avis engagés sur le vin. La missive, reproduite ci-dessous, est destinée aux vignerons et, dans un sublime mélange des genres, leur ouvre les portes de la gloire médiatique. À condition toutefois qu'ils pensent au "petit cadeau"…




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