Vin de messe.


"Quand ils sont venus chercher les socialistes, je n'ai rien dit
Parce que je n'étais pas socialiste.
Alors ils sont venus chercher les syndicalistes, et je n'ai rien dit
Parce que je n'étais pas syndicaliste.
Puis ils sont venus chercher les Juifs, et je n'ai rien dit
Parce que je n'étais pas juif.
Enfin ils sont venus me chercher, et il ne restait plus personne pour me défendre."


Alors qu'une "drôle de guerre", "à l'algérienne"*, semble peu à peu s'instaurer dans une France que les sédatifs médiatico-politiques ne parviennent plus à maintenir somnolente, me viennent à l'esprit les mots du pasteur Niemöller, fustigeant dans les années trente la mollesse, sinon la lâcheté, des intellectuels allemands face à la montée du nazisme. Je ne suis pas catholique, vaguement chrétien sur les bords, mais comment ne pas montrer aujourd'hui sa plus grande proximité, sa plus grande solidarité avec l'Église et ses fidèles? Égorger un prêtre, un vieux curé de quatre-vingt-six ans, durant un office, n'est-on pas là dans une symbolique qui évoque les exactions des chemises brunes et des SS? Il en aura fallu de la mollesse, de la lâcheté, des non-dits pour que la France renoue avec une barbarie qu'on pensait avoir éradiquée, sur le sol européen du moins.



Même si c'est un clocher de France qui a été visé, même si la cible était religieuse (ou culturelle selon les avis), ce n'est pas une guerre sainte que nous avons à mener aujourd'hui. Ne retournons pas dans ce passé, n'acceptons pas la logique arriérée des débiles profonds, des porcs, des dégénérés qui ont frappé ce matin en Normandie.


Mais puisqu'on a attaqué un symbole, soyons intransigeants sur les symboles, n'acceptons plus ceux, envahissants, ostentatoires, provocateurs, des courants les plus extrémistes de l'Islam, le salafisme notamment. Je pense notamment à ces femmes enfermées dans des prisons de tissus, à ce délire parmi d'autres que l'époque rend insupportable. Des imams l'ont rappelé, Dieu, fût-il Allah, n'est pas couturier. 


Soyons fermes aussi sur les mots, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt**, nous avons un problème avec une partie de l'Islam, une religion qui, c'est un minimum syndical, a pour mission de nous aider à couper ses branches pourries. Et qu'on arrête de pousser des cris d'orfraies, de tenter de noyer le poisson avec ces histoires "d'amalgames"***. Nous sommes en guerre, et en période de guerre, il n'y a pas de demi-teinte, on ne connaît que les alliés et les ennemis, il faut choisir son camp.


Pour marquer ma solidarité, je pourrais bien sûr pousser la porte d'une des nombreuses églises qui m'entourent, aller marmonner une prière dont je ne sais ni le début ni la fin à Santa Maria del Pi, à la cathédrale, à Sant Felip Neri. Par respect pour la foi catholique (dont les tenants ont fait preuve aujourd'hui d'une immense dignité), j'éviterai les simulacres. En revanche, je vais aller au Ciel, au Caelum très exactement, en latin. Dans ce charmant salon de thé de Barcelone, on ne sert que des produits liquides ou solides originaires des couvents et des monastères espagnols. La tarte de Santiago venue par le Chemin de saint Jacques, des madeleines, de la Chartreuse ou, pourquoi pas, un verre de vin de messe. 


Car on en vend bien sûr, du vin de messe, au Caelum, dont un qui n'est pas mauvais, à base de grenache et de macabeu de la région de Tarragone, produit par la vieille maison De Muller (qui vend également de très étonnants faux madères). C'est doux, un peu collant, et ça va parfaitement avec les douceurs que l'on sert ici. Ça apaise aussi en ces heures sombres, et permet de saluer par un gentil péché de gourmandise la mémoire du père Hamel, ce pauvre vieux curé assassiné.




* Au sens militaire.
** Le traitement de cette information ce matin était riche d'enseignements. Tandis que le très sobre El Pais titrait sur "un prêtre égorgé dans une église française" ou que CNN barrait sa Une d'un violent "CHURCH ATTACK", en France, à la même heure, Le Monde, se contentait du discret "prise d'otages en Normandie".
*** Relisons au passage ce texte tant critiqué du Normand Michel Onfray, Pas d'amalgame, texte publié après l'attentat contre Charlie Hebdo.
"Le soleil n’a rien à voir avec le jour, ni la lune avec la nuit ; la casserole n’a rien à voir avec la cuisine ; la salle de bain n’a rien à voir avec la propreté ; ni la bibliothèque avec l’intelligence ; le Christ n’a rien à voir avec le christianisme ; ni Marx avec le marxisme ; ou Mao avec le maoïsme ; le médicament n’a rien à voir avec la maladie, ni le médecin, ni l’infirmière ; l’alcool n’a rien à voir avec le vin, pas plus que le vin n’a à voir avec l’alcool ; l’Assemblée nationale n’a rien à voir avec les députés, ni le Sénat avec les sénateurs ; les oiseaux n’ont rien à voir avec le ciel, ni les taupes avec la terre, ni les poissons avec l’eau ; l’école n’a rien à voir avec les élèves ; la sépulture n’a rien à voir avec la mort ; les doigts n’ont rien à voir avec la main, ni les poumons avec la respiration, ni le cœur avec la circulation sanguine ; les dents n’ont rien à voir avec le dentiste ; le chien n’a rien à voir avec l’aboiement, ni le chat avec le feulement, ou la grenouille avec le coassement ; le loup n’a rien à voir avec l’agneau, ou le chêne avec le roseau, ou la belette avec les petits lapins, ou la cigale avec la fourmi, ou le rat des villes avec le rat des champs, ou Perette avec le pot-au-lait ; Descartes n’a rien à voir avec la philosophie, ni Mozart avec la musique, ni Michel-Ange avec la peinture, ni Praxitèle avec la sculpture, ni Le Corbusier avec l’architecture ; les lunettes n’ont rien à voir avec la vue, ni la vue avec l’oculiste, ni l’oculiste avec l’opticien, ni l’opticien avec l’ophtalmologiste ; le coton tige n’a rien à voir avec l’oreille, ni la brosse à dents avec les dents, ni le papier toilette avec … le papier ; justement : le rectum n’a rien à voir avec le proctologue, ni le cerveau avec le neurologue ou la bouche avec le stomatologue ; le beurre n’a rien à voir avec l’argent du beurre ; l’hirondelle n’a rien à voir avec le printemps ; le rabbin n’a rien à voir avec le judaïsme, ni le prêtre avec le christianisme, le pasteur avec le protestantisme ; Platon n’a rien à voir avec le platonisme, Aristote avec l’aristotélisme, Descartes avec le cartésianisme, Kant avec le kantisme, Hegel avec l’hégélianisme ; le taureau n’a rien à voir avec la corrida , la viande avec le végétarisme, le chasseur avec le fusil, le clown avec le cirque ; le miroir n’a rien à voir avec le reflet ; le crayon avec l’écriture ; la partition avec la musique ; les feux rouge avec le code de la route ; les pompes funèbres n’ont rien à voir avec la mort ; les prostituées n’ont rien à voir avec la prostitution ; la télé rien à voir avec la télévision ; mon Traité d’athéologie n’a rien à voir avec les trois monothéismes, ni avec Dieu d’ailleurs ; les poubelles n’ont rien à voir avec les ordures , ni les journalistes avec les journaux ; Apollinaire n’a rien à voir avec la poésie, ni Gabin avec le cinéma ou Picasso avec la peinture ; ni ma mère ni mon père n’ont à voir avec le fait que je sois né ; les jupes n’ont rien à voir avec les filles, le sexe avec la biologie, les notes avec les copies, enfin, je crois… ; la prison n’a rien à voir avec les prisonniers ; les arrêts de bus n’ont rien à voir avec les bus ; les pilotes d’avion n’ont rien à voir avec les avions, ni les conducteurs de train avec les trains, ou les chauffeurs de taxi avec les taxis ; la main de ma sœur n’a rien à voir avec la culotte d’un zouave ; 1984 n’a rien à voir avec Orwell, ni Le Meilleur des mondes avec Huxley ; le réel n’a jamais rien à voir avec ce qui a lieu – pas d’amalgames, vous risqueriez de faire le jeu du réel."


Commentaires

  1. Oui Vincent! Comme vous le dites : "Soyons ferme sur les mots" ... Et ne nous voilons plus la face! La guerre contre l'islamisme radical est aussi une guerre des mots. Et le combat que nous devons mener est un combat sur plusieurs fronts à la fois. Un combat contre l'islamo-fascisme, car il est nécessaire de clairement désigner "l'ennemi" commun à tous les français dans cette guerre déclarée à la République. Un islamo-fascisme, qui est une idéologie politique, une religion séculière, j'insiste, et non la religion des musulmans. La suite ici, dans un billet écrit en 2015: http://contre-regard.com/la-guerre-contre-lislamisme-radical-est-aussi-une-guerre-des-mots/

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés