Le phantasme de Vénus.


La saison, chaude, brutale, n'est pas vraiment à la fourrure. Partout il n'est question que de glaçons, d'air frais. Mais, par hasard, en réglant un téléviseur sorti des cartons de déménagement, je suis tombé sur un film que je n'avais jamais vu, l'étonnante adaptation de La Vénus à la fourrure de Roman Polanski.


Le tête-à-tête, la confrontation entre Emmanuelle Seigner et Mathieu Amalric est admirable, éloignée et proche à la fois de celle que mis en mots au XIXe siècle Leopold von Sacher-Masoch.
Pourtant, même si l'épouse de Roman Polanski est sublime, et comme il se doit troublante, Vénus en fait, je la vois différemment. Sculpturale évidemment, perchée sur ses hauts talons. Des hanches marquées, puissantes, mais brune, le cheveu noir de jais.


Il me semble même l'avoir déjà croisée, altière, au détour d'une rue, loin de Vienne ou de Paris, dans une ville du sud, refoulant sa timidité sous le masque sûr d'une autorité sans failles. Dans son sillage, à ses basques (où à ses baskets, parce que Vénus a tous les droits y compris celui de ne pas se déguiser), ses admirateurs, implorant. Quémandant sa douce contrainte.


Le phantasme de Vénus, il m'arrive aussi de l'assouvir, de le consommer. Rarement. Trop rarement. Samedi encore quand elle m'a jeté ses seins à la figure. À ma grande surprise, c'était au marché, à la Boqueria. Que faisait-elle là, moi qui la croyait terrée dans les montagnes catalanes? Car là aussi Vénus, comme chez Sacher-Masoch ou Polanski, aime les contrepieds, l'inattendu, on la croit urbaine, elle se transforme en campagnarde. Dérouter son amant, le rendre hagard, c'est sa raison d'être.


Ses seins, donc. Arrogants. Peut-être, adolescente se rêvait-elle en Jane Birkin mais la Nature l'a voulue ainsi, charnue, violemment charnue.
Vénus est une fille de la Nature, elle n'a rien à voir forcément avec les poupées de celluloïd qui tentent de jouer son rôle et, inévitablement, sombrent dans le pathétique, le grand-guignol.


Ses seins, très exactement ses tétons. Le téton-de-Vénus*, rouge d'un désir sombre. L'Espagnol, d'un voile (apparemment) pudique le surnomme "teta de monja", "téton-de-nonne"**. Le catholicisme, y compris dans sa version la plus démonstrative, ostentatoire, pornographique ne change pas grand chose à l'affaire. C'est de désir rutilant qu'il est question ici. De transgression. Assumons-le, dévorons-le autant qu'il nous dévore.




* Cette tomate, le téton-de-Vénus, cultivée au Sud est sûrement la plus extraordinaire que j'ai pu trouver en Espagne, pays  miséreux en la matière, rongé par le monsantisme et ses tristes semences industrielles. Son fruit, ses arômes sont encore plus spectaculaires, persistants que ceux de la Rosa de Barbastro que j'évoquais récemment ici.
** On observe le même mécanisme avec une célèbre pâtisserie catalane, le bras-de-Gitan qui de l'autre côté de la frontière devient un pudique bras-de-Vénus, pour ne pas stigmatiser sûrement…

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