Le vin 'naturel' plus nature du tout.

Le Clos Cristal nous a toujours bien fait rire. D'abord parce qu'on en buvait beaucoup. Aussi parce qu'un jour, alors que nous sirotions une énième bouteille, une autorité du naturisme pinardier m'avait doctement expliqué que finalement je n'aimais "les vins naturels pas très nature". Parce que pour lui qui débarquait de Paris, ce cabernet franc dense, structuré (on buvait un 2011), n'avait pas le profil requis pour faire tendance; trop de tanins, pas assez de carbo. 

Et c'est vrai que ce saumur-champigny ressemble davantage à un vrai vin qu'à une galéjade. J'en ai d'ailleurs quelques caisses qui attendent en cave que le temps fasse parler ce beau terroir dont son découvreur, Antoine Cristal*, estimait qu'il valait bien ceux de Bordeaux ou de Bourgogne.

Malheureusement, le Clos Cristal ne me fait plus rire du tout. J'ai même écrasé une larme, l'autre soir en buvant une bouteille de ce qui restera à mes yeux son dernier millésime, 2014. Parce que oui, c'est la mauvaise nouvelle, ce domaine, propriété des Hospices de Saumur, a cessé d'exister sous sa forme actuelle. Depuis des années, il était géré par le talentueux Éric Dubois, qui vendange après vendange parvenait à dire l'année, ce lieu unique et les raisins qui y poussent (cultivés de la façon la plus naturelle qui soit, en traction animale) sans artifices.

Mais en quelques mois, la situation s'est compliquée. Pour un enchevêtrement de raisons: le vieillissement du vignoble du à l'absence d'investissements du propriétaire, l'hôpital, une série de millésimes difficiles, de petites récoltes, les tensions de trésorerie qui automatiquement s'ensuivent. Le pire de tout, cependant, a été l'arrivée de la politique dans cette affaire, et l'intervention du maire de Saumur (un ex-écolo…), de fait président du conseil de surveillance des hospices.

Au bout du compte, malgré vingt ans de travail acharné, une rénovation du site désormais classé monument historique, une notoriété retrouvée pour ses vins, Éric Dubois et son association ont été foutus dehors, et le vignoble confié à la coopé du coin qui devrait y imposer ses méthodes (même si a priori elle est contractuellement contrainte à un mode de culture bio certifié), tel un éléphant dans un magasin de porcelaine. Son testament philosophique bafoué, Antoine Cristal doit se retourner dans sa tombe.

Clos Cristal, donc, c'est mort. On souhaite à toute son équipe de partir sur de nouveaux et beaux projets, courage les gars! En revanche, nous pouvons tous les aider à sauver une petite parcelle, un souvenir, de ce que fut ce cru mythique. En cave, il reste un tiers du 2014, et tout le 2015 (exceptionnel), plus quelques pépites dont un pinot inconnu. Si l'on ne fait rien, ces jus vont partir en vrac, mélangés pourquoi pas avec ceux du kolkhoze. La solution, c'est d'aider Éric Dubois et son association à les racheter, pour créer l'ultime Clos Cristal, celui qui teintera nos larmes d'un peu de joie. Toutes les idées sont bienvenues**. Et nous célébrerons les Dieux du vin, afin qu'ils triomphent de ceux du kolkhoze.

* J'avais raconté l'histoire du Clos Cristal ici.

** Pour ma part, je leur ai conseillé de recourir au crowdfunding, comme ici par exemple.