"Achetez une île !"
Si l'on va dans une grande surface (pour particuliers ou pour restaurateurs) pousser un caddie, on s'équipe alors d'une quasi certitude: on va acheter de la merde. Pour autant, malgré tout mon amour pour les marchés, je suis incapable d'affirmer que tout ce que l'on y vend est de la meilleure qualité. Des saloperies, on en trouve également dans nos halles et sur les étals de plein vent. Primeurs qui ont fait le tour d'Europe, viandes d'origine incontrôlée, fromages en plastique…
Faire ses courses, y compris au marché, c'est un peu comme naviguer, il faut à la fois maintenir un cap et éviter les écueils, ça fait partie du charme de l'opération. C'est ce que m'a enseigné il y a longtemps le tempétueux chef toulousain Lucien Vanel alors que nous faisions la tournée des loges du marché Victor-Hugo, me rappelant la célèbre réplique de Panisse dans Fanny: "si vous voulez aller en mer, sans aucun risque de chavirer, alors n'achetez pas un bateau: achetez une île!"
Faire ses courses, y compris au marché, c'est un peu comme naviguer, il faut à la fois maintenir un cap et éviter les écueils, ça fait partie du charme de l'opération. C'est ce que m'a enseigné il y a longtemps le tempétueux chef toulousain Lucien Vanel alors que nous faisions la tournée des loges du marché Victor-Hugo, me rappelant la célèbre réplique de Panisse dans Fanny: "si vous voulez aller en mer, sans aucun risque de chavirer, alors n'achetez pas un bateau: achetez une île!"
Le fait qu'il faille "s'appliquer" en faisant le marché n'est évidemment pas qu'une réalité française. Cela vaut dans tous les pays du monde, et singulièrement dans des lieux devenus emblématiques comme Borough Market à Londres ou La Boqueria barcelonaise. Cette dernière, je vous en parlais récemment ici, est rongée, asphyxiée, phagocytée, par le tourisme, jusqu'à perdre une bonne partie de son âme et de son identité. Pour autant, il reste (pour combien de temps encore?) d'authentiques professionnels des métiers de bouche, à l'image de celui dont j'avais envie de vous parler aujourd'hui.
Llorenç Petràs, c'est une gueule, un des derniers piliers de La Boqueria, un résistant et en même temps un habile chef d'entreprise qui distribue sa spécialité, les champignons, les escargots et les herbes, dans toute la Catalogne, terre qui en est particulièrement friande. En frais, en sec, on trouve de tous chez lui, en fonction bien sûr de la saison.
Sans pratiquer des prix "parisiens", ce n'est pas donné chez Petràs, mais la qualité est toujours au rendez-vous; j'ai rarement été déçu. J'ai presque envie de dire que la qualité est devenu sinon sa spécialité, en tout cas sa marque de fabrique. Car au-delà des champignons, le type d'est diversifié, fournissant aux particuliers et aux restaurateurs des fruits, des légumes, du canard (bien meilleur que la médiocre qualité espagnole!) et même (intéressant si vous avez un ruminant à la maison) des fleurs, autres que celles de courgettes.
Pour ce qui est des fleurs, d'ailleurs, Petràs m'a convaincu avec un produit particulier, bien plus spectaculaire que la bourrache de jardin et son fameux goût d'huître, la fleur de ficoïde glaciale, qui sur du poisson m'a remplacé le sel! Il me rend dingue aussi avec ses tetas de monja et ses feos de Tudela, deux variétés de tomates de luxe* que je n'échangerais pas contre un repas dans pas mal d'étoilés du Guide des Pneus, son incroyable basilic ou avec ses fraises des bois qui me rappellent celles de ma grand-mère.
D'une certaine façon, cette loge, cachée tout au fond de La Boqueria (et ouverte uniquement le matin, jusqu'à quatorze heures), à l'abri des tongs, des shorts et cannes à selfies, est devenue une île, au sein de mon bon vieux marché.
* Les bonnes tomates, quasiment introuvables dans cette Espagne monsantiste, j'en parlais ici et là.
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