Marre des poètes maudits !
La victimisation m'emmerde. Profondément. Où que ce soit. La plupart du temps, elle n'est qu'un rideau de fumée pour masquer ses propres tares, ses paresses, ses renoncements. Elle excuse et justifie, enfante l'inaction.
Dans le monde du vin (où existent de véritables injustices*), il en est qui s'y vautrent avec délice, en font un marketing du désespoir. Victimes des syndicats d'appellation, de complots imaginaires, d'une cécité générale face à leur immense talent. "Tous des cons!" "Le public n'a rien compris!" Et ils vous sortent leur "blanc", un jus brunâtre aux arômes d'œuf pourri, de vieille pomme à cidre, aigrelet et sucrailleux à la fois: "c'est le terroir qui s'exprime"…
Et puis, il y en a qui s'engagent. Qui se battent. Qui approfondissent. Thomas Pico est de ceux-là. Pour la plupart d'entre vous, ce n'est pas une découverte, je vous ai déjà parlé de ce guerrier du vin naturel, de ce nouveau prince de Chablis. De la qualité de ses blancs, ici, de ses malheurs aussi: la grêle l'an dernier, le gel, cette année.
Je vous en reparle, c'est vrai, parce qu'il y a les malheurs, et que l'on sait bien (cf. la triste histoire du Clos Cristal qu'il nous faudra suivre) que les mauvaises années ont souvent des conséquences économiquement douloureuses, y compris dans des vignobles riches comme Chablis. Mais je le fais aussi parce que je m'en veux d'avoir commis un infanticide. Je n'ai pas résisté. C'était un 2014, un jus merveilleusement transparent, d'un or vert très clair, limpide, monstre de déicatesse. Côtes-de-jouan, un premier cru.
Eh oui, un vin naturel, ce n'est pas forcément un vin de table comme on veut parfois nous l'expliquer, au prétexte que c'est plus fun, plus rebelle, plus in. Ça peut (ça doit?) représenter dignement, fièrement, une appellation et son terroir. Par définition, je dirais.
À condition qu'il y ait eu beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail mais aussi de professionnalisme. Beaucoup, beaucoup, beaucoup de rigueur et d'esprit scientifique. La science, en l'occurrence, ce n'est pas le diable, au contraire. Expliquer les mécanismes naturels, analyser, comprendre, quoi, ça aide à ne pas être incompris.
* Comme, entre autres, cette histoire de Gaillac racontée ici.
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