Le verre qui déshabille le vin.
Dans la société pinardière, quand on demande aux nombreux professionnels de la profession (et Dieu sait s'ils sont nombreux depuis que le vin coûte cher!) pourquoi ils ne goûtent jamais "à l'aveugle", sort généralement une série d'explications qui ressemblent fort à des justifications. Une des plus épatantes reste celle de ces sur-dégustateurs tellement géniaux qu'ils arrivent même à intimer l'ordre à leur cerveau de ne pas tenir compte de ce qui est écrit sur l'étiquette. Bref, on nage dans le burlesque, le comique, voire même le grotesque. Allez, disons que cela contribue au charme du Mondovino…
En fait, soyons honnêtes, si de nombreux grands spécialistes ne goûtent pas "à l'aveugle", c'est juste parce qu'il s'agit d'une formidable école d'humilité: malgré tout son savoir, la finesse de ses capteurs olfactifs*, cet exercice permet de se ridiculiser avec une déconcertante facilité.
C'est ainsi qu'une amie suisse nous a fait passer, un camarade et moi, pour de grands couillons. De la pire façon qui soit d'ailleurs. Comme elle le fait à chaque fois, elle m'a servi "à l'aveugle" les jolis flacons qu'elle trimballe dans son bagage de soute, calées, me dit-elle, par sa lingerie fine. Pour ce dîner, nous avions juste deux blancs et deux rouges à goûter (puis à boire). Le repas se déroulait chez le camarade sus-cité, détail qui a son importance.
Arrive donc le premier blanc, pas mal, sudiste mais pas trop lourd quoiqu'un peu brouillon dans ses contours. Franchement, l'un comme l'autre, nous sommes perdus, tant au niveau du cépage que de l'origine, vraisemblablement méditerranéenne, mais ni française ni italienne, et encore moins espagnole (le vin n'est ni techno-pop, ni techno-nature**).
Le second blanc, identique au niveau de la robe, est lui bien mieux dessiné, plus tranchant, d'une grande fraîcheur, mais avec une amertume peut-être un poil trop marquée. Il est en tout cas nettement supérieur au précédent, nous sommes d'accord sur ce point.
Viennent ensuite les rouges. Visiblement, nous ne sommes pas en terrain de connaissance (c'est le but du jeu généralement avec l'amie suisse). Le vin est sympathique, manquant lui aussi un peu de définition, un peu pataud dirons-nous, comme une syrah de bord de fleuve, mais pas tout à fait une syrah, ni un de ces cépages suisses que j'aime tant, parce qu'il semble bien que l'on s'oriente vers le vignoble helvétique, ce sublime inconnu.
Le second rouge, lui, s'offre davantage, une belle mâche, une pointe d'opulence mais ce qu'il faut de distinction. Incontestablement, c'est un gamay, et vraiment dans le style ample et poivré de ceux que l'on travaille en Suisse. Je pense à un domaine que l'amie genevo-valaisanne m'avait fait goûter. C'est presque ça, nous sommes à une poignée de kilomètres, dans le canton de Vaud.
Bas les masques ! Arrive donc le moment de lever l'anonymat. Clio arrive, donc, avec les bouteilles qui étaient cachées en cuisine. Bizarrement, elle n'en apporte pas quatre, mais deux. Un blanc et un rouge.
Arrive donc le premier blanc, pas mal, sudiste mais pas trop lourd quoiqu'un peu brouillon dans ses contours. Franchement, l'un comme l'autre, nous sommes perdus, tant au niveau du cépage que de l'origine, vraisemblablement méditerranéenne, mais ni française ni italienne, et encore moins espagnole (le vin n'est ni techno-pop, ni techno-nature**).
Le second blanc, identique au niveau de la robe, est lui bien mieux dessiné, plus tranchant, d'une grande fraîcheur, mais avec une amertume peut-être un poil trop marquée. Il est en tout cas nettement supérieur au précédent, nous sommes d'accord sur ce point.
Viennent ensuite les rouges. Visiblement, nous ne sommes pas en terrain de connaissance (c'est le but du jeu généralement avec l'amie suisse). Le vin est sympathique, manquant lui aussi un peu de définition, un peu pataud dirons-nous, comme une syrah de bord de fleuve, mais pas tout à fait une syrah, ni un de ces cépages suisses que j'aime tant, parce qu'il semble bien que l'on s'oriente vers le vignoble helvétique, ce sublime inconnu.
Le second rouge, lui, s'offre davantage, une belle mâche, une pointe d'opulence mais ce qu'il faut de distinction. Incontestablement, c'est un gamay, et vraiment dans le style ample et poivré de ceux que l'on travaille en Suisse. Je pense à un domaine que l'amie genevo-valaisanne m'avait fait goûter. C'est presque ça, nous sommes à une poignée de kilomètres, dans le canton de Vaud.
Bas les masques ! Arrive donc le moment de lever l'anonymat. Clio arrive, donc, avec les bouteilles qui étaient cachées en cuisine. Bizarrement, elle n'en apporte pas quatre, mais deux. Un blanc et un rouge.
Parce que (j'imagine que vous l'avez compris) pendant ce dîner, nous n'avons en fait goûté que deux vins, cet assyrtiko de Santorin et le gamay de La Maison du Moulin, un domaine vaudois, bio, qui a le vent en poupe (j'aimerais bien d'ailleurs le reboire avec quelques années de bouteille, ce gamay). La finesse de notre prestigiditatrice fut de détourner notre attention afin que nous ne nous rendions pas compte que ces deux vins, nous les dégustions dans deux verres légèrement différents: le premier un Riedel chianti si ma mémoire est bonne, un bon standard des années quatre-vingt-dix, et le second le Master Prestige de Royal Glass, une découverte qui avait voyagé depuis le CAVE SA de Gland dans la même valise que les bouteilles.
En apparence, ce verre n'a rien d'extraordinaire, ce qui a d'ailleurs permis ce petit jeu. Techniquement, il est assez incroyable par sa faculté à "déshabiller" un vin. Fruit de quinze années de recherche dit son prospectus publicitaire, il a été conçu par le designer suisse Jean-Pierre Lagneau, pur produit de l'École Polytechnique de Zürich, et l'expert bordelais Laurent Vialette, aujourd'hui installé à Genève, spécialiste des vins anciens et membre permanent du Grand Jury Européen (qui a d'ailleurs adopté ce Master Prestige).
Allez sur leur site, on y explique tout un tas de trucs, sur la bio-énergie, l'analyse psycho-sensorielle. Franchement, je ne sais pas trop quoi en penser, en revanche, verre en main, je suis conquis: voici mon nouveau verre de référence***, celui que nous utiliserons chaque jour à table. J'ajoute, et ce n'est anodin à une époque où le Mondovino flambe, aussi bien pour le contenu que pour le contenant, que ce Master Prestige coûte dans les huit euros TTC pièce prix public. En prime, la base de son pied est ornée d'une fleurette qui rappelle étrangement celles des trottoirs en ciment de Barcelone (photo du haut). "What else?" comme on dit chez Riedel****…
Allez sur leur site, on y explique tout un tas de trucs, sur la bio-énergie, l'analyse psycho-sensorielle. Franchement, je ne sais pas trop quoi en penser, en revanche, verre en main, je suis conquis: voici mon nouveau verre de référence***, celui que nous utiliserons chaque jour à table. J'ajoute, et ce n'est anodin à une époque où le Mondovino flambe, aussi bien pour le contenu que pour le contenant, que ce Master Prestige coûte dans les huit euros TTC pièce prix public. En prime, la base de son pied est ornée d'une fleurette qui rappelle étrangement celles des trottoirs en ciment de Barcelone (photo du haut). "What else?" comme on dit chez Riedel****…
* Un domaine dans lequel les inégalités sont énormes. D'un jour à l'autre, d'un dégustateur à l'autre, et même, comme je l'expliquais ici, d'un sexe à l'autre.
** Il est assez amusant de voir comment ce jeune vignoble espagnol suit les modes avec autant de ferveur qu'un garçon-coiffeur. Après une période "j'appuie sur tous les boutons" (bois, levures, etc), techno-pop donc, on ne compte plus les néo-naturistes qui produisent tous exactement le même vin, violemment, caricaturalement marqué, par une "technologie" inverse de la précédente. Aux arômes de yaourt aux fruits artificiels et à la vanille succèdent la banane trop mure, la pomme blette et le vinaigre fatigué. Vivement un peu de personnalité, moins de suivisme. (sujet évoqué ici)
*** Je conserve évidemment toute ma tendresse pour le beau Zalto, mais qui lui malheureusement est beaucoup plus cher, et beaucoup plus fragile.
**** Pour ceux qui auraient oublié l'ultime compromission du verrier autrichien, avec Nespresso, c'est ici.
** Il est assez amusant de voir comment ce jeune vignoble espagnol suit les modes avec autant de ferveur qu'un garçon-coiffeur. Après une période "j'appuie sur tous les boutons" (bois, levures, etc), techno-pop donc, on ne compte plus les néo-naturistes qui produisent tous exactement le même vin, violemment, caricaturalement marqué, par une "technologie" inverse de la précédente. Aux arômes de yaourt aux fruits artificiels et à la vanille succèdent la banane trop mure, la pomme blette et le vinaigre fatigué. Vivement un peu de personnalité, moins de suivisme. (sujet évoqué ici)
*** Je conserve évidemment toute ma tendresse pour le beau Zalto, mais qui lui malheureusement est beaucoup plus cher, et beaucoup plus fragile.
**** Pour ceux qui auraient oublié l'ultime compromission du verrier autrichien, avec Nespresso, c'est ici.
C'est bluffant, ça ! Déconcertant ? Déroutant ?
RépondreSupprimerOui, réellement.
SupprimerPar expérience personnelle, je peux vous dire que même un simple amateur de base ressent des différences, bien que ce soit à des degrés différents selon les qualités gustatives de cet amateur.
RépondreSupprimerQuand bien même il s'agit d'amis qui ont conçu ce verre, et en toute objectivité, machine à vaisselle comprise, on a là, et de loin, le meilleur RQP en la matière.
Et comme on n'est point là pour jouer les imbéciles, qu'on sache qu'à notre événement de Villa d'Este en novembre, nous aurons 3500 verres de ce type pour toutes nos dégustations et tous les repas.
françois mauss
Un partenariat qui semble judicieux !
SupprimerEt donc ce verre magique fonctionnerait sur tous les vins ? :)
RépondreSupprimerSur tous les vins, il serait bien présomptueux de l'affirmer. Ce que je sais, c'est qu'il a bien fonctionné sur la bonne centaine de vins que j'ai goûtés et fait goûter. Je l'ai également fait essayer à de bons dégustateurs, à l'aveugle, en les mélangeant avec des Schott.
SupprimerLes Zalto sont beaux mais le problème, c'est que ce sont des verres de nez, qui dissocient les vins ensuite avec souvent une déception à la mise en bouche. Souvenir affreux d'une dégustation avec Jacques chez un grand vigneron de Meursault où nous goutâmes avec les dits-verres des vins complètement "aplatis" par leur contenant. Pour moi, ce sont des verres de sommeliers, de tourneurs de verres, comme dirait un ami vigneron du Pic St-Loup. Pour en revenir aux Royal, nous les avons testés sur tous types de vins. Bulles, blancs, rouges légers, puissants (verticale Chateauneuf, Barolo), VDN, etc. Ils sont très universels dans leur usage et homogènes dans les résultats/ressentis. Et pourtant au départ j'étais sceptique car le calice est moins grand que sur d'autres marques et le pied plutôt très long... Mais force est de constater que l'on a été convaincus et même conquis ; et que nous les avons adoptés aussi pour nos cours de dégustation, remplaçant nos vieux Spiegelau par ailleurs mieux que biens... Désolé si mon texte fait un peu pub mais tout ce que je raconte est véritable.
RépondreSupprimerBonjour Vincent.
RépondreSupprimerJ'ai découvert ces verres sur votre facebook, et après n'en avoir lu que des éloges, je m'en suis offert 6.
Après avoir fait plusieurs essais avec des amis, je n'ai pas encore senti de réelles différences avec un verre à vin classique. J'ai plutôt tendance à remettre en cause mes qualités de dégustateur (débutant, j'ai "ingurgité" d'énormes quantités de vin, j'essaie depuis peu de le déguster, sens en éveil), mais j'ai par curiosité réalisé plusieurs "expériences" avec nombre de mes amis (suite à nos relatives déceptions avec les Royal Glass).
Nous avons observé le phénomène suivant : lorsqu'on sait que le vin est le même, le goûter dans un Royal Glass ou dans un autre ne fait pas de différence, ou très peu, à nos palais (peu entraînés). Lorsqu'on fait un test à l'aveugle, en pensant goûter un vin différent, les différences sont marquées. Un peu comme si le cerveau, étant prêt à sentir des différences, les sentait quoi qu'il arrive.
A force de "réflexion" et de "tests", je ne pense plus être objectif si tant est qu'on puisse l'être. Je souhaitais simplement vous poser cette question : avez vous testé le même vin, dans un Royal glass et un autre verre, en sachant pertinemment que le vin était le même ? Je serai curieux de savoir ce que vous avez ressenti si l'expérience a été faite.
Pour être bien clair, je ne remets pas en cause l'efficacité de ces verres, ni même leurs qualités. J'adore ces verres simplement en tant que "verres". Je suis simplement curieux.
En attendant, je vais continuer à prendre plaisir avec le vin !
Bonne journée.
Mike
Oui, je l'ai également fait, à plusieurs reprises. Et les différences gustatives étaient impressionnantes.
SupprimerMerci pour cette réponse. Cela confirme ce que je pensais : je n'étais pas assez affûté d'un point de vue gustatif. Mais je constate une progression. J'ai senti des différences avec les Royal Glass et un verre classique très récemment, sur un Pinot Noir d'Alsace du domaine Albert Maurer. Je n'ai pas encore les mots pour exprimer ces différences, mais je commence à les appréhender. Et puis, j'adore cette idée, celle d'être au tout tout début d'un très long apprentissage.
SupprimerBonne continuation !
Mike
"Le but n'est pas seulement le but, Mais le chemin qui y conduit."
SupprimerLao-Tseu.
C'est aussi comme ça que je le vois, je vais prendre plaisir dans ce voyage, sans autre finalité.
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