Y'a que d'la pomme!


Pour être honnête, je ne suis pas très fan des vins blancs qui sentent la pomme. Je ne parle pas de la belle pointe de fruit frais, nette, caractéristique des mauzacs bien mûrs à Gaillac* ou à Limoux, ou des notes de golden des chardonnays jeunes sur certains terroirs (où ça vire parfois au grain de la poire). Plutôt le côté pomme blette, "sur le départ", un nez mollasson qui annonce généralement une bouche à l'unisson. Les œnologues (qui n'ont pas toujours tort!) vous diront qu'il s'agit-là d'un des marqueurs les plus évidents de l'oxydation; ça peut en tout cas arriver même aux meilleurs, j'en ai récemment fait la malheureuse expérience avec deux bouteilles du manzoni bianco Fontanasanta 2011 de la grande vigneronne italienne Elisabetta Foradori.


En revanche, j'ai vraiment été étonné par les arômes de pomme du "vin" qu'on m'a mis hier sous le nez; de la tarte Tatin, compote rehaussée d'une discrète note de cannelle, d'un peu d'Earl Grey, de bergamote également. Suivait une bouche de grand liquoreux, trop jeune, certes (il s'agissait d'un 2006!), mais d'un style assez difficile à définir, quelque part entre un quarts-de-chaume de grand millésime, ultra-concentré, et un eiswein autrichien. Tout cela à la limite de l'excès, certes, mais avec un tempérament du tonnerre de Dieu. "Cojones but with style" aurait dit un des joyeux convives de ce déjeuner à rallonge…


Il est vrai qu'il s'agit-là d'un authentique produit de terroir. L'œuvre d'un illuminé méthodique me dit-on, car je n'ai jamais rencontré l'homme qui crée cette excentrique douceur et ce, depuis 1989. Il s'appelle Christian Barthomeuf**, et il est cantalou, né à Clermont-Ferrand et s'est installé au Canada, au Québe très exactement. Et c'est à la frontière avec les États-Unis, avec le Vermont, dans la petite municipalité de Frelighsburg, que se trouve son Clos Saragnat. C'est donc très au nord qu'est produite cette cuvée baptisée L'original pour laquelle les fruits sont effectivement récoltés après avoir subi le gel (-10°C.), d'où cette extraordinaire concentration du, soyons technique, à la cryoconcentration, une cryoconcentration tout à fait naturelle. Les fruits? Ce sont des variétés locales, rouges, même si ça peut paraître étonnant. Quant à l'élaboration, elle est aussi parfaitement "nature", sans levurage, sans intrants. Christian Barthomeuf n'ajoute même pas de sulfites à ses jus, ni au début, ni à la mise.


Le revers de la médaille, c'est que ce produit, vendu en fioles de cinq-cents millilitres est quasiment introuvable. Les surfaces plantées (qui entrent dans ce type de cuvées) représentent à peine trois hectares. Il est distribué sur place par la SAQ, L'original en revanche s'achète au Domaine (je n'ai pas réussi à savoir exaxtement son prix) et on trouve sur plusieurs tables étoilées du  du Monde entier.
Voila, donc, pour le pedigree de cette boisson assez incroyable, particulière. Je pense vous avoir tout dit. An non! Juste un détail, si ça sent la pomme, figurez-vous que c'est normal, puisque dedans, il n'y a que de la pomme, c'est du cidre, un cidre sans bulle, du cidre de glace, inventé par ce Bougnat du Canada.




* et quand on parle de gaillac, je dégaine illico mon Plageoles, mon "Maître de Vin" dont, je l'espère, vous aviez lu ici le portrait.
** Un nom qui me rappelle un de ses cousins vendéens


Commentaires

  1. Le domaine Pinnacle fait bon aussi ...

    Moins aimé les cidres de glace de Verger-Lacroix (givre de St-Joseph) et du domaine Orléans (Igloo).

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  2. Moi j'ai acheté du cidre de glace GIVRÉ á Montréal en 2011, dans une boutique de la SAQ (on n'a pas le choix de toute manière, personne d'autre que SAQ n'a le droit de faire du commerce de vins au Québec). Pas encore gouté mais je pensais que ça devait se boire jeune, et lá j'apprends qu'on peut attendre? et je ne me rappelle pas, ça se boit frais? Quand au prix, je l'ai payé environ 30€, mais il y a moins de 500ml.

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    1. Oui, ça se boit frais, comme un liquoreux. Et certains, comme celui dont je parle se conserveraient vingt ans.

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