Le poison discret et l'indignation sélective.


C'est une image qui circule depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux. Juste la liste des ingrédients contenus dans un "flan" vendu dans une grande surface Leclerc, près de Nantes. Et qu'apprend-on sur cette étiquette (apparemment authentique)? Que cet OVNI pâtissier recèle une liste assez complète de merdes qui franchement donnent envie de se priver de dessert. Dont deux colorants, l'E110 et l'E102, pour lesquels il est clairement spécifié qu'ils "peuvent avoir des effets indésirables sur l'activité et l'attention des enfants." Du coup, sur Facebook et assimilés, chacun y va, bruyamment, de son indignation. "On empoisonne nos gosses!" "Assassins!" "Quelle honte!"
Je partage bien sûr cette indignation. Je rappelle juste, pour la énième fois (radoteur!) que quand on va acheter ce qu'on envisage d'ingérer au milieu des détergents ménagers et des rouleaux de papier-cul, il ne faut pas trop ensuite jouer les pucelles effarouchées. Ces deux colorants, rouge et jaune, parfaitement autorisés en France*, sont de vieux habitués des rayons et des têtes de gondole.


Indignation, donc. Sauf que tant qu'à s'indigner, il ne faudrait pas être sélectif. N'oublions que ces deux additifs parfaitement inutiles figurent en bonne place sur l'immense liste des saloperies fourguées aux grands chefs (en tout cas à ceux qui confondent cuisine et décoration murale) par le célèbre catalogue catalan Sosa (lire ici et ici), la bible de la cuisine créative mondialisée. Et on les retrouve donc, plus bling-bling mais moins voyants, dans ces innombrables photos de plats "spectaculaires", "modernes", "révolutionnaires"" qui font se pâmer les cocottes du Mondogastro et qui pullulent sur les réseaux sociaux. Sans que personne ne s'émeuve de la violence des couleurs et de tout un tas d'autres bizarreries. Il est vrai que les génies moléculaires ou tecnoemocional, contrairement à M'sieur Leclerc, ont le poison discret…




* Des doutes ont toutefois été émis sur les risques qu'il font courir au consommateur. Pour l'E102, également appelé tartrazine (et "naturel" puisque issu de végétaux…), on parle de:
Risque d'allergie chez les personnes qui sont intolérantes aux salicylates (aspirine, baies, fruits).
En association avec les benzoates (E210-E215), la tartrazine serait impliquée dans un grand pourcentage de cas du syndrome d'hyperactivité chez les enfants. 
Les asthmatiques peuvent éprouver des symptômes après consommation de tartrazine.
Dans la notice de l'E110, on lit:
Risque d'allergie chez les personnes qui sont intolérantes aux salicylates (aspirine, baies, fruits).
En association avec les benzoates (E210-E215), le Jaune orangé S serait impliqué dans un grand pourcentage de cas du syndrome d'hyperactivité chez les enfants.
Suspecté d'effets cancérigènes.


Commentaires

  1. C'est le problème du marketing dans l'alimentation. Flan bien jaune = jaunes d'oeufs biens foncés = naturel (croyance populaire), donc plus rassurant. Imaginez un flan presque blanc? qui l'achète?
    L'origine des oeufs est plus problématique à mes yeux. On est amenés à manger + d'oeufs transformés dans notre vie que de E110 et E102. Or, pourquoi rajouter du jaune, de l'orange ou du rouge? Parce que les oeufs utilisés dans ces flans sont de poules de batteries. En France, on les alimente essentiellement avec du soja OGM (aliment colorant peu le jaune d'oeuf) venant des USA ou d'Amérique du Sud, qui utilisent énormement de pesticides interdits en France, qui via cargo, nous les expédient aspergés de pesticides, insecticides, anti nuisibles (et j'en passe)interdits chez nous et qui empoisonnent et tuent nos dockers (CF ceux de Nantes). Et on nourrit les poules avec tout cela. On doit bien le retrouver dans nos oeufs, non? dans notre flan? et ça, on n'en parle pas. On préfére se donner bonne conscience en avertissant des dangers qui ont peu de probabilité d'exister, mais que l'on retrouve plus facilement si l'on regarde les "propriétés" de ces additifs. Comment en finir avec tout cela?

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    1. Ce n'est pas faux, Cristiana. Mais la solution est d'une simplicité enfantine (sans hyperactivité): ne jamais manger ce genre de choses, ni chez Leclerc, ni chez les cuistots chimiques. À vos casseroles!

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  2. Vincent, tout ceci n’est pas nouveau et je ne comprends pas pourquoi les gens s’indignent tout d’un coup. Les parkings de supermarchés n’ont jamais été aussi pleins, les petits commerces jamais autant désertés, les agriculteurs (de petite taille) jamais aussi pauvres. Le budget alimentaire d’un foyer occidental type représente moins de 15 % des dépenses. On paie pour se loger, pour « se divertir », pour bouger et pour communiquer, surtout.
    Des chaussures de marche moulées en Asie du sud-est, 100% en matière synthétique et finies par des gosses sous-payés coûtent 100 € la paire, et une « tablette » (excuse-moi, je ne connais pas bien les finesses de ces bidule-pod-machins) jusqu’à 600 € si j’ai bien compris, mais des lentilles vertes du Puy (excellentes protéines, là-dedans) à 4 € le kilo à la propriété scandalisent les consommateurs.
    Que faut-il pour réaliser une excellente pizza (oui, on sait, toi tu ne veux que de la « reine ») ?
    De l’eau (sans chlore), une farine adéquate, de la levure (ou un restant de levain), du sel, un peu de bicarbonate (enfin, moi j’en mets), de l’huile d’olive, de la tomate, de la mozzarelle, origan et thym, piment ou poivre et basta. Coût pour deux (avec une huile correcte) : 8 € en étant large, plus l’électricité pour le four, quand même.
    Tu trouves de la « pizza » à 4 € la portion en GD (et même parfois à 1 € !), et elle « gratinera » toute seule, en 30 sec au micro-onde ! Moi, déjà je n’aime pas le fromage quand il a commencé à brunir mais surtout, comment réaliser ce miracle en y ajoutant le transport, la manutention, la marge, la pub, l’amortissement de la part du vol, les périmés etc ... ?

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  3. faudrait commencer par s'indigner que Facebook est le bras "désarmé" et version "cool" (tendance, moderne, à la mode, in, hype, branché, in-dis-pen-sable...) de la l'agence de sécurité nationale américaine.
    Bras désarmé mais pas inactif ni inoffensif puisqu'il gagne des procès contre des Etats afin de favoriser le fichage des utilisateurs et grignoter la vie privée et le droit à la liberté sur internet.
    Facebook est un colorant. N'apporte rien de tangible mais fait vendre un peu plus ...

    Au fond on est dans un monde qui a instauré la stratégie de la superficialisation (qui repose sur l'image) qui permet de manipuler à loisir. Tant en bouffe qu'en politique, qu'ailleurs.

    Tom B.

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  4. Vincent, les restaurateurs ne sont pas obligés d'indiquer la composition des plats qu'ils servent, donc (presque) personne ne s'indigne.
    Le jour où l'affichage de la composition des plats devient obligatoire, les 3/4 des restaurants étoilés ferment leurs portes.
    Ceci dit, je crois que les plus gros consommateurs ne sont même pas les cuisiniers "scientifiques" mais les pâtissiers. Personne ne s'étonne des macarons multicolores, des tartes qui restent plusieurs jours en vitrine, ... sans parler de ces desserts de restaurant fluorescents et qui tiennent debout tout seuls.
    Patrick

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    1. Pour ce qui est des pâtissiers, ce n'est pas faux. Prenons par exemple la famille Roca: c'est le pâtissier, Jordi qui est à la fois membre du chef's council de l'industriel des arômes Givaudan et associé avec Nestlé.
      http://ideesliquidesetsolides.blogspot.fr/2013/03/a-propos-du-noma-et-delbulli.html

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