Quand l'Anglais est grand.


L'Anglais*, on le déteste. Mieux, on aime le détester. Ce n'est pas de Guerre de Cent Ans, de Jeanne d'Arc, de Trafalgar , de Mers-el-Kébir ou de Brexit qu'il est question. Parce que, franchement, malgré son immense courtoisie, cette délicieuse éducation, la qualité de ses blazers, au rugby, excusez-moi, c'est un gros enculé. Pour résumer la situation, tout les coups sont permis, la petitesse n'est pas exclue, le réalisme peut confiner à la médiocrité. Mais bon, à quelques heures d'un match qui me met la boule au ventre, on ne va pas parler de ballon ovale.
Pourtant, oui, il arrive que l'Anglais soit grand. Superbe, à l'opposé de ses comportements de petit comptable rugbystique. J'éprouve alors pour lui un amour sans bornes. Je le trouve beau, intelligent, ses femmes sublimes**, sa nourriture délicieuse. Sans compter que j'adore Londres et la bière tiède-amère.


Mais, présentement, c'est de vin qu'il s'agit. Peut-être la bouteille de la semaine. Peut-être le plus beau corbières que je n'ai jamais bu, un corbières qui ne roulait pas les R, subtil, distingué comme les apéritifs dans la langue de Shakespeare de ma pauvre tante Betty, géniale demoiselle qui m'apprenait, adolescent, à fumer des Player's Navy Cut et à boire du whisky écossais (en alternance avec le rasteau de sa vieille cave de Lourmarin).


Du cinsault beaucoup, en majorité, rehaussé d'un grenache qui ne brûle pas. Finesse et profondeur, à l'image de la parcelle maîtresse qui lui a donné le jour sur les hauteurs de Villesèque****, à l'aplomb de la Berre. Oh, ce n'est pas une découverte, je vous en ai parlé ici, il y a longtemps. Quand je buvais ce vin, dans les années deux-mille, la plupart des experts locaux se foutaient de moi. "Pas assez ci, pas assez ça…" Ben oui, je me répète, il était distingué. Comprendre ça n'est apparemment pas à la portée de tous.
Le 2010 de ce corbières d'Anglais était superbe, j'avais donc décidé d'en garder quelques bouteilles loin des yeux loin du cœur (et du tire-bouchon surtout), au frais. Grand bien m'a pris, il y a quelque chose de reynaudien dans ce vin intense mais avec ce qu'il faut d'évanescence. Aussi sexy je crois que cette brune de Cambridge (décidément**…). La bonne nouvelle, c'est qu'il en reste deux ou trois unités. Si ce soir le XV de France sont aussi saignants que je le souhaite secrètement, je crois bien que j'en ouvrirai une. J'espère.




* Notez que quand on parle rugby, on le met au singulier. Il n'a rien à voir avec "les Anglais".
** Même si je n'oublierai jamais le plus beau râteau de ma vie à Cambridge, alors que j'avais match gagné.
*** Là, je vous promets que je ne moque pas, souvenez-vous de ce que j'avais écrit ici.
**** Village étonnant dont la triste coopé (pléonasme?) produisait des vins ignobles mais où l'on trouve deux domaines étonnants, ce Clos perdus (une partie en tout cas) et l'excellent Rémi Jalliet, évoqué dans cette chronique. Pour ce qui est du Domaine "des Anglais", il a changé de morphologie puisque Hugo Stewart, le Britannique, et Paul Old, l'Australien ont décidé de faire chemin à part. C'est Paul, l'Aussie qui est désormais seul aux commandes, ce que j'ai goûté de lui me convient parfaitement.


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