La trahison de l'image.


Non, désolé pour les associateurs* d'idées, cette pipe célébrissime n'est pas là pour rappeler aux bons catholiques que c'est au lendemain de la Saint-Valentin que l'on fête saint Claude. Ce tableau est furieusement actuel pourtant. Pas au sens de l'actualité boutiquière fébrilement suivie par les desesperate housewifes les plus névrosées**, mais de ce monde qui mélange allègrement publicité et information, marketing et politique, fiction et réalité***.
Pour rester léger, au niveau de ce qui se mange et se boit, La trahison des images de Magritte est un peu la prémonition de l'Instagram d'un plat devant lequel vont innocemment se pâmer les followers, oubliant que "ceci n'est pas de la nourriture" mais juste une photo, sa représentation, sur l'écran d'un iPhone. Le concept fonctionne tout aussi bien, vous vous en doutez, en remplaçant les foodistas par les winistas, le plat du restaurant de l'attachée de Presse à la mode par l'étiquette en vogue que l'on boira par réseau interposé, numériquement. 


"Ceci n'est pas un vin." Peu importe! Comme à la Saint-Valentin, c'est la marque que l'on célèbre, son opportunisme, l'argent qu'on a dépensé. Après le monde Mickey, bien venu dans celui de Donald (Trump). Celui des influenceurs****, donc des tricheurs, de ceux qui sucent et avalent consciencieusement, ce qui nous ramène à la fête sus-citée. Que voulez-vous, l'amour du vin est aussi une marchandise dont les sentiments se likent et se monnayent. Valentin fait le tapin.


Un peu par hasard, pourtant, dans la nuit qui mène d'une fête à l'autre, nous avons ouvert la bouteille des amoureux. Attrapée à l'aveugle ou presque dans la cave, et prestement jetée dans une carafe, le temps d'admirer le verre joliment chemisé (signe de bon temps).
Du cabernet-franc, bien mûr mais tellement équilibré, avec ce qu'il faut de retenue et aussi d'envie de s'offrir bientôt. Voilà typiquement le genre de jus charmant que l'on instagramme pas*****, dont les midinettes (mâles ou femelles) de la fringue liquide ne feront jamais cas, lui préférant des griffes, des signes de reconnaissance, plus voyants, plus clinquants, plus militants. Le monde de Donald, on y revient.


Pourtant, ceci, ce que j'ai ingéré, pas sa photo, cela, donc, est un vin. Le fruit d'un sérieux travail vigneron, d'un professionnalisme, d'une ambition. Je sais, ces vertus, ces valeurs sont vieillottes, aussi vieilles que les vignes des Grézeaux profondément ancrées sur leurs graves du pied de coteau de Cravant. 
"So boring !" vont vociférer les shampouineuses en me balançant à la figure Voici, Cosmo ou Elle. On veut des news, des alternative facts. De l'image, quoi. Je préfère le vin. À l'image de celui-là, factuel, du genre qui ne trahit pas.




* Qui forcément, comme le veut la tradition théologique, coranique notamment, sont des païens…
** À tel point qu'on se demande parfois si cette fête commerciale n'est pas un peu celle des filles mal dans leur peau, souvent victimes d'elles-mêmes, qui conjuguent à l'indispensable dépression de fin d'hiver leurs nécessaires déboires amoureux. La Saint-Valentin devient du coup le jour rêvé pour geindre et se plaindre.
*** Je sais que vous êtes nombreux, chers lecteurs, à ne pas fréquenter Facebook et autres "réseaux sociaux", nous en parlons généralement autour d'un verre, mais j'ai posté hier cette fabuleuse histoire d'un journal algérien qui a avalé tout cru un canular du Gorafi sur madame Le Pen et ses murs. Le post est au bout de ce lien, sinon, regardez l'image ci-dessous. De fait, à l'époque actuelle, le second degré est vraiment devenu trop dangereux…
**** J'avais consacré une chronique à ce gibier d'agence de com' qui, à son échelle, contribue à trahir l'image et à déformer la réalité.
***** Il existe heureusement encore des exceptions, aidons-les à devenir des règles.




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