Le nécessaire plaisir d'aller voir ailleurs.
Le vin, c'est de la poésie, bien sûr, beaucoup, mais aussi de l'argent, du fric, du pognon. On en a souvent parlé ici*, notamment en constatant l'incroyable inflation qu'ont connue en trente ans nos chères bouteilles. Peu de produits alimentaires ont subi durant la même période une augmentation tarifaire identique, parfois pour d'évidentes raisons boursières, du principe d'offre et de demande, souvent à cause de procédés plus artificiels dont on a du mal à envisager la durabilité.
Évidemment quand on parle de vin hors de prix, il est de bon ton de cogner sur Bordeaux. Et c'est vrai qu'il y a de quoi faire si l'on ne s'intéresse qu'à une poignée de propriétaires et d'investisseurs. Pourtant, dans le même temps, dans tous les vignoble girondins on peut continuer à boire, à une dizaine d'euros la bouteille de superbes canons qui contrairement à certaines stars factices donnent immédiatement envie d'en déboucher une seconde. Or cette inflation a frappé pas mal d'autres régions, françaises notamment. Regardez les tarifs du champagne, par exemple, ou venons-en à mon interrogation du moment, la Bourgogne, où pour cent euros, "t'as plus rien"…
Cette réflexion, je me la faisais en sirotant sur le coin du bar un blanc qu'il convient désormais de qualifier de "précieux". C'est d'argent dont il est question, de fric, de pognon. Ce corton 2002, très franchement, je l'ai trouvé banal, fatigué, pas au point de dire qu'il était mauvais, mais sans aucun rapport avec le prix affiché sur la carte. Analysé avec mon système de cotation intégré (qui finalement ne m'a guère trompé depuis des dizaines d'années), j'y aurais mis une quinzaine d'euros prix caviste, une trentaine au restaurant**. Très loin des cent-soixante euros réclamés sur table (et encore, à l'espagnole, je n'ose pas imaginer le vertige à Paris ou à Londres!).
Si j'écris ces quelques lignes aujourd'hui, ce n'est en aucun cas pour lancer, à la façon du "Bordeaux bashing" un quelconque "Bourgogne bashing", ni même pour tancer ce domaine réputé pour travailler proprement. Certes, j'ai l'impression que pas mal de propriétaires (parfois fortement incités par leur famille) appuient un peu sur le champignon, mais finalement, franchement, c'est leur problème, on ne va pas pleurer pour réclamer des réglementations de prix à la soviétique, non? Il suffit juste de se dire (ce qui n'est pas si grave) que ce vin est juste devenu trop cher pour soi. À quoi bon se plaindre, pour continuer à boire régulièrement ce genre de cru, il fallait travailler davantage, gagner plus, émigrer à Londres ou en Asie, aux pays du capitalisme triomphant (et en espérant être du bon côté du manche…).
En revanche, ce qu'il y a de merveilleux dans l'univers du vin, c'est que très rapidement un clou chasse l'autre. Et que les progrès permanents de nombreux vignerons, la diffusion de la culture et de la connaissance, la découverte de terroirs méconnus, parfois supérieurs aux "anciens", font qu'il est possible, en fouillant un peu, d'obtenir un niveau de plaisir équivalent en dépensant beaucoup moins. Il est juste nécessaire d'aller voir ailleurs, quitte à laisser les références d'hier aux nouveaux riches.
Et puisque nous parlons du millésime 2002, voici avec quoi j'ai envie de le remplacer, un modeste carignan blanc du Languedoc que les grands amateurs*** n'hésitent pas à faire voyager avec leurs beaux produits de terroirs, paysans. Pour ceux qui ne boivent pas des étiquettes ou des statuts sociaux, cette Lune blanche 2002 du Domaine Le Conte des Floris peut procurer autant (si ce n'est davantage!) de bonheur, par sa classe et son équilibre. Équilibre qui accompagne jusque dans son tarif ce grand vin de garde vendu vingt-huit euros au public.
* Ici, ou là.
** En fait, en le goûtant, je pensais au petits bourgognes blancs du grand Paul Chapelle, les 2002 justement, qui me régalent davantage alors qu'on les embarque pour une douzaine d'euros à la propriété, déjà élevés.
*** Les bouteilles ci-dessus m'avaient été apportées par mon copain Bruno Stirnemann (ci-dessous), honnête homme du vin et de la cuisine, qui peut vous entraîner dans ses accords à Pézenas.
** En fait, en le goûtant, je pensais au petits bourgognes blancs du grand Paul Chapelle, les 2002 justement, qui me régalent davantage alors qu'on les embarque pour une douzaine d'euros à la propriété, déjà élevés.
*** Les bouteilles ci-dessus m'avaient été apportées par mon copain Bruno Stirnemann (ci-dessous), honnête homme du vin et de la cuisine, qui peut vous entraîner dans ses accords à Pézenas.
Que oui ! Bruno est un parfait honnête homme et un ami cher, très cher !
RépondreSupprimerTrès bon papier, comme souvent. Mais petite précision, les 2002 du domaine Chandon de Briailles c'était avant l'arrivée de François de Nicolay et sa reprise en main du domaine. Entre 2002 et 2005 il a tout changé au domaine : Les méthodes, les hommes, il a mis en place la biodynamie (certifiée depuis 2011). Idem au niveau des vinifs. Bref, tout ça pour dire que les derniers millésimes n'ont rien à voir avec certains anciens qui pouvaient en effet manquer de profondeur et de précision. Ca ne veut pas dire pour autant qu'un Corton mérite ce prix de 160€, mais un Corton 2008 goûté récemment (80€ prix caviste, ce qui est déjà cher, nous sommes d'accord) m'avait vraiment enthousiasmé.
RépondreSupprimerD'où l'intérêt, Guillaume, de la chronique que j'ai écrite l'été suivant sur un rouge récent du domaine, qui m'a passionné!
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