Le Beaubourg du vin?
À une poignée de jours de l'inauguration, à Bordeaux, de la Cité du Vin, les conservateurs y vont bon train. Comme il se doit, on en appelle au "bon goût", ce fameux "bon goût" des mémères de Neuilly qui est en fait beaucoup plus transversal que ça, politiquement parlant. On a ainsi vu, au nom de cette sacro-sainte notion, des libertaires pinardiers de la mouvance alterno-mélenchoniste se joindre aux vieilles peau pour dénoncer "l'horreur".
Ce bâtiment, signé d'Anouk Legendre et Nicolas Desmazières de l'agence XTU architects, je ne l'ai évidemment pas encore vu. Vu, c'est-à-dire, visité, vécu, respiré. Au delà de son apparence qui effraie les belle-mères.
Mais peu importe pour ces dernières, avant même l'ouverture au public le premier juin, il est d'ores et déjà condamné. Avouons que la Cité du Vin cumule les handicaps (ou les délits de faciès).
D'abord, elle a été érigée à Bordeaux. Quelle horreur! Pourquoi ne l'a-t-on pas installé dans le Jura ou le Loir-et-Cher? Bordeaux, c'est le pays des empoisonneurs, des salauds de la vigne. Non?
Et puis, Bordeaux, c'est Juppé, un sale fasciste de Droite ultra-libérale, représentant des oligarques, complice du grand complot capitalisto-maconico-judéo-reptilien…
Moi qui à force ait un peu de bouteille, le déchaînement face à cette horrible nouveauté qu'il vaut mieux rejeter, conspuer, fuir, que tenter d'apprivoiser et de comprendre, m'en a rappelé un autre de déchaînement, face à un autre bâtiment. C'était en 1977, année punk s'il en est. Sortait de terre au cœur d'un quartier Beaubourg un peu gris et tristounet le Centre Georges-Pompidou.
Dans une tribune du Monde titrée Abolir le monstre, un certain Jean Paris écrivait alors:
"L’anthologie même de la laideur ! Une carcasse métallique aussi pesante et clinquante que l’esthétique d’un parvenu, un horrible agencement de poutrelles dans tous les sens et de triangles tubulaires de tous calibres, que les bonnes gens prenaient pour des échafaudages… Il fut un temps où les Parisiens avaient assez de fouge pour prendre d’assaut la Bastille et la démanteler. Qui prendra aujourd’hui l’initiative de réclamer l’abolition du monstre et sa métamorphose en jardin ? ».
De son côté, le journaliste-écrivain René Barjavel, renouant avec sa fougue de l'époque où il éditait sa prose dans Je suis Partout, se lance dans une longue suite de moqueries face à ce qu'il qualifie de "musée des tuyaux":
"Est-ce un morceau de France, qu’on a écorché comme une langouste et qui a perdu ici la salle de ses machines? Est-ce une raffinerie destinée à récupérer les boues de la Seine pour en faire de l’essence? Est-ce une niveleuse qui va se mettre en marche et percer des autoroutes à travers les quartiers? Est-ce une presse géante à moulinettes? Est-ce un silo à betteraves-distillerie-sucrerie, un moule à pétroliers, un aspirateur des fumées de Paris, une centrale fonctionnant à l’eau de pluie?…"
Estimant qu'à Beaubourg "l’utilisation de la ligne droite renvoie à une architecture dépassée", Barjavel serait en revanche ravi sur un point en découvrant la Cité du Vin: ses rondeurs. Il me tarde de les frôler pour m'en faire ma propre opinion. Et tant pis pour les mémères…
Dans une tribune du Monde titrée Abolir le monstre, un certain Jean Paris écrivait alors:
"L’anthologie même de la laideur ! Une carcasse métallique aussi pesante et clinquante que l’esthétique d’un parvenu, un horrible agencement de poutrelles dans tous les sens et de triangles tubulaires de tous calibres, que les bonnes gens prenaient pour des échafaudages… Il fut un temps où les Parisiens avaient assez de fouge pour prendre d’assaut la Bastille et la démanteler. Qui prendra aujourd’hui l’initiative de réclamer l’abolition du monstre et sa métamorphose en jardin ? ».
De son côté, le journaliste-écrivain René Barjavel, renouant avec sa fougue de l'époque où il éditait sa prose dans Je suis Partout, se lance dans une longue suite de moqueries face à ce qu'il qualifie de "musée des tuyaux":
"Est-ce un morceau de France, qu’on a écorché comme une langouste et qui a perdu ici la salle de ses machines? Est-ce une raffinerie destinée à récupérer les boues de la Seine pour en faire de l’essence? Est-ce une niveleuse qui va se mettre en marche et percer des autoroutes à travers les quartiers? Est-ce une presse géante à moulinettes? Est-ce un silo à betteraves-distillerie-sucrerie, un moule à pétroliers, un aspirateur des fumées de Paris, une centrale fonctionnant à l’eau de pluie?…"
Estimant qu'à Beaubourg "l’utilisation de la ligne droite renvoie à une architecture dépassée", Barjavel serait en revanche ravi sur un point en découvrant la Cité du Vin: ses rondeurs. Il me tarde de les frôler pour m'en faire ma propre opinion. Et tant pis pour les mémères…
En tout cas, vu de l'extérieur en voiture au fil de sa construction, c'est très prometteur et enthousiasmant. Juste à côté du très réussi pont Chaban. Parfait.
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