Le temps des courges.
Oh, bien sûr, il est trop tôt pour ranger les maillots de bain. Nous irons encore à la mer cette année. À la plage du Phare? À la Morisca? Du côté de Barcelone, il est rare qu'on ne se baigne pas jusqu'à novembre.
N'empêche que même sans regarder le calendrier, quelque chose a changé ces derniers jours, avec ces pluies d'équinoxe qui bizarrement durent plus longtemps que d'habitude, s'installent de la Catalogne au Languedoc. Rien qu'hier, il est tombé par ici jusqu'à cent litres d'eau au mètre carré, même les citadins se sont rendu compte de l'existence du ciel: l'électricité a été coupée dans plusieurs quartiers de Barcelone, plongeant même dans le noir le Times Square local, la place Francesc-Macià.
Et, ce n'est pas fini, plus au nord, Météo France vient de placer les Pyrénées-orientales, l'Aude et l'Hérault en alerte orange*. L'occasion de penser aux vignerons des terroirs tardifs qui ont encore
du raisin dehors. À Vingrau, Hervé Bizeul, qui avait vu venir le coup, nous dit que les vignes de son Clos des Fées tiennent bon. Malheur en
revanche à ceux qui auront chanté tout l'été et oublié quelques
traitements, leurs feuilles risquent bien, comme la météo, de virer à l'orange avant que
le raisin ne soit mûr (ou complètement pourri). En tout cas, courage à tous!
Orange, c'est donc la couleur de la saison. Orange comme ce beau potiron rapporté d'un jardin poitevin et qui a fini en soupe, agrémenté d'un beurre d'origine assortie à celle de la cucurbitacée. Par parenthèse, il faut vraiment être aussi couillon qu'un bouffeur de hamburger, pardon de "burger" comme disent les snobs (ce qui ne me rend pas cette pâtée pour chien plus attirante), pour foutre en l'air des tonnes de citrouilles le jour de la Saint-McDo, pour Halloween*!
Plutôt que ces manifestations commerciales un rien nauséabondes, l'orange de la courge m'évoque plutôt un adorable vieux film français, Alexandre le bienheureux. Yves Robert y offrit à Philippe Noiret son vrai premier rôle, aux côtés de Marlène Jobert et Françoise Brion ainsi que d'une pléiade de grands acteurs, Jean Carmet, Pierre Richard, Paul Le Person ou encore le regretté Pierre Maguelon (à la tienne, Pierre!). Je ne sais pas si vous l'avez vu, mais n'hésitez pas, c'est rafraîchissant, avec pour pimenter le tout, une pointe d'amoralité, un petit rien soixante-huitard, contestataire avant l'heure. Toujours est-il qu'il ne faut pas rater la scène des citrouilles qui visiblement a également marqué le grand illustrateur Raymond Savignac au moment de dessiner l'affiche du film!
Tiens, voici justement l'occasion de ramener ma science, et d'insister sur la différence entre nos potirons et les citrouilles "américaines" qu'on réservait davantage jadis à l'alimentation animale. Pour une fois, tout est expliqué d'une façon claire sur Wikipédia, donc je me permets ce petit copier/coller qui vous permettra de ne plus passer pour des courges:
"Dans le langage courant, le terme de citrouille (courge de l'espèce Cucurbita pepo et de la sous-espèce Cucurbita pepo ssp. pepo) est plus ou moins synonyme de potiron (courge de l'espèce Cucurbita maxima). Ce sont donc tous deux des courges.
La citrouille est de forme 'ronde' et de couleur orange. Son pédoncule est dur et fibreux, avec cinq côtés anguleux, sans renflements à son point d'attache. Sa chair est filandreuse. C'est elle qu'on utilise à Halloween.
En revanche le potiron est plus ou moins aplati, sa couleur va d'un orange rougeâtre au vert foncé. Son pédoncule est tendre et spongieux, cylindrique et évasé près du fruit. La chair du potiron est plus sucrée, savoureuse et moins filandreuse que celle de la citrouille.
Citrouille véritable et courgettes font partie de la même sous-espèce. Plusieurs variétés de citrouille existent, dont la citrouille de Touraine, utilisée autrefois pour la nourriture des animaux. La citrouille géante Atlantique est en fait une variété de potiron (Cucurbita maxima)."
Pour en savoir davantage sur les nombreuses variétés de courges, qui vous le savez n'ont pas toutes la rousseur de Marlène Jobert, foncez, comme il se doit, sur le site de Kokopelli. Et puisqu'on parle de cette association un peu bab' sur les bords mais tellement utile, revenons sur le procès qui l'opposait à un marchand de graines de l'Est de la France. Eh bien, pour ceux auxquels ça a échappé dans l'actualité mouvementée de ces dernières semaines, la Justice française lui a en partie donné raison. Le communiqué de Kokopelli est assez triomphaliste, mais, comme le souligne par ailleurs l'AFP, la partie est loin d'être gagnée. Il faut continuer à se battre pour la diversité, afin de ne pas condamné nos descendants à n'avoir au menu que du Monsanto-Nestlé-Givaudan & Cie.
Reste la question cruciale, que boit-on sur sa soupe de potiron**? En ce temps des courges*** où l'on ressort les vieilles cocottes, certains pencheront pour la jeunesse d'un bourru, pour un vin de l'année, encore brut de décoffrage. Pourquoi pas? J'en connais un excellent dans le Tarn, au Mas Pignou, issu de deux cépages gaillacois qui luttent eux aussi pour la bio-diversité, le mauzac et le len de l'el.
Sinon, l'accord classique fonctionne très bien, avec notre cher (mais pas coûteux!) 4X4 du vin, né en Andalousie. Sur le coup, plus que qu'un fino de Jerez ou de Montilla-Moriles, j'opterai pour une manzanilla. La dernière que j'ai bue, en compagnie d'Álvaro Gijón Sierra (ci-dessous), l'homme qui parle à l'oreille des barriques, maestro en crianza biológica, franc buveur et fin connaisseur, si loin des hâbleurs du Mondovino. Cette manzanilla ample, c'était une Deliciosa, de chez Valdespino, une grande bouteille, dans les huit-neuf euros, une misère pour une grande d'Espagne!
* Les théologiens me rétorqueront qu'il s'agit d'une lointaine réminiscence de l'antique fête de Samain, de cette sorte de Nouvel An que fêtaient les Celtes. Désolé, entre les effluves de mauvaise graisse, et les rots sucrailleux de Caca-Cola, j'ai du mal à sentir l'influence (pourtant réelle) des druides.
** Potiron que l'on aura cuit dans un mélange de lait et de bouillon de volaille, avec des poireaux, des oignons et des patates blanches du même jardin, sans oublier in fine de l'enrichir de crème crue et de bon beurre.
*** Immanquablement, le temps des courges me ramène dans un des plus villages des Corbières, à Lagrasse, à ce restaurant à l'enseigne éponyme. L'établissement a changé de mains, mais on peut retrouver l'ancien maître des lieux, Laurent Jamois, pas très loin de là, aux Vins sur le Fruit, la cave qu'il a ouverte à côté de la superbe halle du village.
*** Immanquablement, le temps des courges me ramène dans un des plus villages des Corbières, à Lagrasse, à ce restaurant à l'enseigne éponyme. L'établissement a changé de mains, mais on peut retrouver l'ancien maître des lieux, Laurent Jamois, pas très loin de là, aux Vins sur le Fruit, la cave qu'il a ouverte à côté de la superbe halle du village.
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