L'obsolescence programmée de la mode.
Je ne vous dirai pas d'où provient cette carte des vins retrouvée en rangeant des cartons, mais beaucoup la reconnaîtront. Pour les autres, sachez juste qu'elle provient d'un restaurant ultra-branché, il y a seize ans. Nous étions en deux mille donc, la mode à l'époque constituait principalement à sucer Pinocchio. Et on la suçait hardiment, la marionnette, à coup de ribera-del-dueros, de priorats en chêne massif! Puis on se nettoyait la bouche au champagne (Salon pour les riches, et pour les infortunés une gamme de roteuses de boîte de nuit de banlieue) et au riesling allemand de préférence. Le riesling teuton, c'était tendance à l'époque.
Ne soyons pas négatifs, à côté des horreurs de la mode, il y avait aussi de jolies surprises cachées (notamment une magnifique carte de jerez), à des tarifs qui mettraient dans une colère noire n'importe quel sommelier de trois-étoiles français, formaté pour vendre le pinard dix fois son prix. Pour vous donner un repère, et mieux considérer les montants indiqués, le taux de change entre la devise usitée et l'actuel euro, le taux de change s'établit à 0,006. C'est à dire qu'il faut multiplier la somme que vous lisez par 0,006 (sans tenir compte de l'évolution du coût de la vie).
C'est ainsi qu'au cœur d'une épaisse forêt de merrain, on trouve le Château Gombaude-Guillot d'Olivier Techer 89 (enfin de ses parents!) à 81€ sur table, un Rayas 95 à 119,40€ (le 90 culmine à 210€), une Grange-des-Pères 95 à 77,40€… Pour les bourgognes, je vous laisse calculer les prix, ça pique, d'autant que tout cela est (aimablement) servi, dans du cristal autrichien (pas les verres à cantine des étoilés français), face à la mer, en plus. Mais là, je vous en dis trop…
Cette carte ultra branchée serait-elle identique aujourd'hui? Chez ce restaurateur-là, sûrement, moins œnophile même peut-être, davantage tournée vers les blockbusters, les gros faiseurs, et même la bière, pourvoyeurs de "marges arrières". En revanche, dans un restaurant du même style, "avant-gardiste" d'aujourd'hui, et du même niveau, je sais qu'elle serait différente, beaucoup plus naturiste, porteuse de messages subliminaux à défaut d'être sublimes.
Allez, je vous laisse la feuilleter tranquille, comme un vieux souvenir, un vieux catalogue qui nous permet de méditer sur l'obsolescence programmée de la mode.
très intéressant mais ya quand même beaucoup de Beaucastel, n'est il pas ?
RépondreSupprimerOui, au moins trois pages, en blanc et en rouge.
SupprimerCela dit, 220€ pour près de 4 litres de TBA 89, c'est pas bien cher et je m'en serais bien pris 4/5 doses... :)
RépondreSupprimerJ'ai tout de suite reconnu ton restaurant favori de l'époque, du côté de Rosas. Comment c'était déjà... El Bulli, je crois. On y suçait aussi allègrement de l'écume de mer. Et ça marchait vachement bien avec le fino.
RépondreSupprimerC'est le principe même du fino, c'est un 4X4. Dans la boue, le sable, l'eau, les cailloux, ça continue d'avancer.
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