Après les Pieds Nickelés, les Rapetou…


Je vous avais déjà parlé une ou deux fois de ces types super-cools qui ne prennent pas de gants et s'accordent une "licence libre" sur la création d'autrui. Ils ont raison, c'est moderne, à l'heure de la gratuité numérique, très Nouveau Monde, les multinationales américaines en rêvent. On pille les textes, on pompe les photos, ce n'est pas très grave: Monsieur Michu est beaucoup plus inquiet quand on lui vole sa voiture ou sa télé, "parce que ça, oui, c'est vraiment de la délinquance!" Tandis que le pauvre boulot d'un écrivain, d'un photographe, d'un graphiste…
Évidemment, ceux qui commettent ce genre de délits (oui, oui, appelons un chat, un chat), quand ils sont pris sur le fait, vous jouent en général un numéro assez génial, entre Bourvil et Fernandel, de couillon "qui ne savait pas", "qui tombe des nues", "qui ne voulait faire de mal à personne". Mais, là, hier soir, j'en ai trouvé un de catégorie internationale, un champion, un "crack" comme on dit en Espagne quand on veut honorer un couillon qui a découvert l'eau tiède. Car, c'est en espagne que ça se passe, notre héros du jour est Barcelonais, il s'appelle Lluís Tolosa et se présente comme sociologue, écrivain et éditeur.


Je ne sais pas grand chose de ce Lluís Tolosa, j'ai juste feuilleté dans une salle d'attente ou un hall d'hôtel un ou deux des prospectus publicitaires qu'il a publiés pour promouvoir le vin et l'œnotourisme. Et j'apprends par le préposé aux communiqués de Presse pinardiers du journal régional La Vanguardia, Ramon Francàs, que le type en question, notre crack, se lance dans une grande œuvre, il édite un ouvrage majeur sur la viticulture espagnole. Le bouquin s'intitule Vinos extraordinarios, los 100 mejores vinos españoles de todos los tiempos, rien que ça. Sur son blog, Ramon Francàs en reproduit d'ailleurs la noble couverture, un hymne, impressionnant aux grandes étiquettes, ou plutôt aux grandes capsules, Romanée-Conti, Petrus, Yquem, Ausone, Margaux, Haut-Brion, Lafite, Gaja, Henschke, Armand Rousseau, Hunt's… Bizarre, non? Ah, c'est vrai, j'ai oublié de vous traduire le titre de ce livre qui fera date: Vins extraordinaires, les 100 meilleurs vins espagnols de tous les temps. "Espagnols", oui, oui, c'est marqué, españoles. Moi, c'est bizarre, je ne savais pas que la Romanée-Conti, Petrus, Yquem, etc, étaient produits outre-Pyrénées.


Donc, ça m'interpelle, ça me met la puce à l'oreille et je me souviens d'un bouquin très médiatisé il y a trois ans dans le Mondovino (vous pouvez notamment lire ici le billet d'Ophélie Neiman), le bouquin de ce type du Poitou qui dans son jardin a creusé une cave pour trente cinq mille bouteilles* parmi les plus chères du Monde. Et, de cette collection d'étiquettes, il a donc fait un pavé, publié en 2010 chez Glénat, dont vous voyez ci-dessus la couverture, avec les capsules de la Romanée-Conti, Petrus, Yquem, Ausone, Margaux, Haut-Brion, Lafite, Gaja, Henschke, Armand Rousseau, Hunt's…
Eh oui, vous avez compris, le bouquin de Chasseuil est la "version originale" de la grande œuvre géniale de mon grand inventeur local, Lluís Tolosa. Lequel a depuis rectifié le tir puisqu'après nous avoir révélé (à mon avis par erreur…) sa "source d'inspiration", il a accouché de la couverture définitive, très personnelle, très originale, que vous trouvez ci-dessous et dont je peut vous promettre qu'elle va passer dans le milieu du vin barcelonais pour l'ultime manifestation du génie créatif catalan…


Bon, on ne va pas en parler pendant des heures, de l'autre comique sociologue-écrivain-éditeur, ni même de ceux qui ont célébré en grande pompe cette création originale. Il ne lui reste plus maintenant qu'à jouer l'imbécile avec un naturel inquiétant pour expliquer "qu'il ne savait pas", "qu'il tombe des nues", "qu'il ne voulait faire de mal à personne". Juste un message personnel, qu'il se méfie de l'éditeur français dont il a plagié la couverture, Glénat, il n'a pas la réputation d'être tendre en affaires (n'est pas Chloe?). Passons.
Car si j'évoque ici ce qui pourrait n'être qu'une anecdote c'est que je trouve ça très symptomatique d'une mentalité dont l'Espagne aurait tout à gagner à se débarrasser, singulièrement dans son Mondovino. Cet esprit "mange-merde" (passez-moi l'expression, un rien sudiste), on le retrouve partout, chez le marchand de vin qui vient espionner les étiquettes de son concurrent pour lui piquer les références, chez le bodeguero qui copie la cuvée du voisin, chez les nouveaux convertis du naturalisme de façade, chez les grands catadors qui passent plus de temps à se faire photographier devant des bouteilles qu'à les ouvrir et à les boire… Tout cela nous ramène au culte de l'apparence, au vol et au mensonge, aux trucages et au dopage, à ses vices cultivés jusque chez ceux qui auraient du donner l'exemple durant les années où l'argent facile a coulé à flot. Et pour s'en sortir, ce pays a besoin d'autres façons de penser, plus fraîches. D'autant qu'il vaut tellement mieux que ça, que ces médiocres et ridicules Rapetou.


* Je crois que c'est Antoine Gerbelle de la Revue des Vins de France qui, comme à son habitude, avait eu ce très bon mot, quelque chose du genre, "Chasseuil, c'est dommage qu'il n'ait pas aussi eu les moyens de se payer un tire-bouchon…"

Commentaires

  1. C'est ce qu'on peut appeler un copié/collé/serré en bonne et due forme... Sur Chasseuil je ne sais pas si vous avez lu ce billet : http://www.intothewine.fr/magazine/rencontre/michel-jack-chasseuil-l-homme-qui-valait-3-milliards

    Un vrai phénomène ce Chasseuil, on attend maintenant qu'il organise la plus grosse bacchanale de l’histoire de l’Humanité ! Je crois qu'on peut encore attendre...

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