La biodynamie, c'est pas Vegan !
Les extrémistes de tout poil nous pompent l'air. Fascistes, communistes, nationalistes, islamistes mais aussi déréglés nutritionnels qui ont fait de leur alimentation, et malheureusement aussi de la nôtre, une croisade. Heureusement, la plupart d'entre eux nous offrent un (maigre) lot de consolation à l'immense pollution qu'ils représentent: parfois, à leur corps défendant, ils nous font éclater de rire.
Ainsi cette incroyable histoire que vient de me relater Jacques Herviou, qui vend aux États-Unis les vins du Château Maris, la propriété minervoise de mon copain Robert Eden dont s'occupe Benjamin Darnault, autre ami de la famille. Je plaisantais sur les problèmes que les vignerons en biodynamie finiraient par avoir avec les fanatiques de la secte Vegan® à cause de leurs préparations de la série 500 à base de corne de vache. Sincèrement, je plaisantais, je ne pensais absolument pas que ces allumés risquaient de s'offusquer de cette pratique assez symbolique d'ailleurs de l'agriculture fondée sur les principes de Steiner. Visiblement, je sous-estimais le délire animaliste.
L'histoire, donc, se passe en Californie, nous sommes en 2015 à Los Angeles, à Studio City très exactement, au nord d'Hollywood. Jacques, escorté du distributeur local de Maris, visite les clients du coin. Ils s'arrêtent dans un restaurant Vegan®, le Sun Café, le genre d'établissement décontracté devant lequel campent les paparazzi en chasse de telle ou telle photo intime ou débraillée de telle ou telle starlette.
Ils s'asseyent à une table avec le directeur, et parlent du domaine, de sa philosophie, de leur façon de travailler. Il faut savoir que, sous l'impulsion de Robert (qui a compris ça avant pas mal de ses collègues), les vignes sont en bio, puis biodynamie depuis longtemps. Il est question du nouveau chai bâti en chanvre, climatisé naturellement*, mais aussi, et c'est tout le problème des méthodes culturales. Comme plusieurs de ses voisins de La Livinière, Maris a recours à la traction animale, et (pire que tout!) aux préparations biodynamiques de la série 500. Pour ceux qui ne connaissent pas, les préparations 500 et 501 sont deux composts, l'un à base de corne et de bouse de vache, l'autre à base de corne de vache et de silice; on y adjoint des fermentations végétales (502, 503, 504, etc) d'achillée, de camomille, d'écorce de chêne, de pissenlit, de valériane, de prêle). À Maris, par exemple, Robert et Benjamin, ont ramenés de leur années bourguignonnes un intérêt particulier pour la 504, à base de grande ortie.
Effroi du directeur du Sun Café qui leur explique qu'en aucun cas la carte ne peut comporter les vins du domaine puisqu'ils utilisent des animaux. Alors même que sur la carte en question on trouve des vins de grosses coopés, dévastateurs pour la faune et la flore, des années-lumière de l'organic que l'établissement affiche fièrement à sa porte!
Au delà de cette anecdote hilarante, nous voici au cœur des contradictions de cet intégrisme religieux, sectaire, impérialiste, qu'est pour beaucoup le mouvement Vegan®. Des contradictions dues souvent à l'origine éminemment citadine de ses membres, dont la pensée surfe sur les apparences, sur le walt-disneyisme, sur des rancœurs et des troubles alimentaires aussi, au détriment souvent d'un "ordre naturel" qu'ils prétendent défendre. Peu importe les écosystèmes que l'on détruit par fabriquer leur protéines végétales (loin des yeux, loin du cœur…), peu importe les vers de terre et les micro-organismes ravagés par leur fournisseurs industriels exotiques, peu importe leur statut d'archi-pollueurs de la planète, en revanche, se posera sûrement, un jour ou l'autre, comme avec les préparations 500, le problème des engrais, crottin, guano, de la confusion sexuelle aussi, pratiques qui à leurs yeux infantiles souilleront les carottes et les patates locales…
Allez, buvons un coup, histoire d'oublier cette bêtise, cet aveuglement, ce fanatisme. Un coup de vin Vegan® puisqu'en l'état, malgré son label biodynamique, il est accessible (en Europe seulement) au brouteurs de d'herbe et aux picoreurs de graine. Un rafraîchissant assemblage de syrah et de grenache de Maris qui se boit d'un trait. Nous nous en sommes régalés sur d'épaisses côtes de veau de lait ariégeois servies plus que rosées, saignantes.
* Maris a construit au début des années 2010 un chai estampillé "développement durable", équipé à l'époque d'œufs en béton (ci-dessous).
Quant au vin collé au blanc d'oeuf ...
RépondreSupprimerEt l'autre pouf, sur ta photo, qui marche le regard collé sur sa prothèse, pour "checker ses likes" ... sombre avenir (on lira Dugain, Byung Chul-Han et Sadin, notamment).
J'espère d'ailleurs que les prothèses sont 'Vegan'…
SupprimerRappelé par Marc Dugain et Christophe Labbé dans "l'homme nu la dictature invisible du numérique" :
RépondreSupprimerEric Schmidt – président de Google mai 2007
« La technologie du ciblage individuel sera si performante qu’il sera dur pour les gens de ne pas consommer ce qui a été défini pour eux »
« La plupart des gens ne souhaitent pas que Google répondent à leurs questions mais qu’il leur dise qu’elle est la prochaine action qu’ils devraient faire »
« Ce n’est qu’une fois que nous aurons obtenu leur attention que nous pourrons conquérir leur cœur et leur esprit »
Salut,
RépondreSupprimermerci pour ce post.
Tout à fait d'accord avec l'esprit de cet article : le véganisme se structure comme une religion.
Mais j'ai du coup une question : pourquoi les copains vignerons de Maris ont-ils collé l'étiquette "vegan" sur leur bouteille ? Voulaient-ils s'ouvrir un nouveau marché ? N'avaient-ils pas saisi que le veganisme est bien plus que ne pas consommer de produits carnés ?
Aujourd'hui, j'ai des collègues maraîchers bio qui mettent en gros sur leur étalage : "nos légumes ne sont pas vegan !" Un bon moyen pour faire comprendre à leurs clients que sans traction animale, sans amendements organiques issus des animaux de ferme, il est très compliqué pour eux de produire leurs légumes.