Même avec le casque…
On a beau aimer passionnément le produit, certains jours, on le fuit. Ces jours où l'on a du vieux Hank que la gueule de bois, et éventuellement cette gloire matinale qui tient davantage du réflexe que de la réflexion personnelle. À trop aimer…
Le vin a un prix, celui du lendemain. Notamment. Même pour ceux que la Nature a (partiellement) préservé des effets nauséeux de la resaca. Petite digression d'ailleurs à propos de ce terme espagnol que je trouve absolument génial pour qualifier l'état du jour d'après, "resaca", "tener resaca". J'y entends l'éblouissant ressac (le mot est équivalent) sur la plage de Sant Pol* quand la veille… Un bruit, une lumière et une sensation proche du plus insupportable roulis, celui du mouillage, si la crique où il a été question de déjeuner n'est pas assez protégée. Par parenthèse, saluons le génie des inventeurs inconnus de la barque catalane qui en la matière, malgré son absence de quille, fait figure de parfaite salle-à-manger flottante, d'une incroyable stabilité, suffisamment plate pour accéder à des hauts-fonds interdits aux autres bateaux.
Ces jours-là, donc, honnis comme la veille par les censeurs** qui prétendent foutre leurs tristes nez dans nos jolis verres (parfois même dans nos culottes***…), notre ami le vin nous semble un ennemi. Et ne venez pas me raconter des fables de puceaux ou de petits commerçants comme quoi si j'avais plutôt bu du sans-souffre je souffrirais moins. Nature ou pas, quand tu as tapé dans la gourde, le lendemain, tu passes à la caisse****, je vous le promets, j'en ai administré la preuve scientifique, ici, et à de multiples reprises.
N'empêche que comme toute règle scientifique, celle de ces lendemains qui déchantent, de ces lendemains abstèmes a ses exceptions. Je viens d'en connaître une. Plus qu'inattendue. Parce qu'on parle là des vins d'une grande région viticole, prestigieuse mais plutôt connue pour ses vins musclés qu'on imagine donc assez mal dans le rôle de tisane anti-resaca.
Nous sommes en Douro, au pays des capiteux portos. Pas n'importe lesquels évidemment, ceux dont je vous ai maintes fois parlé, les portos sans alcool de João Roseira*****. Mais, ce n'est pas du Quinta do Infantado que nous avons dans le verre, pas de vintage, de tawny à l'horizon, l'heure est au douro sec, le vin rouge encore trop méconnu en France mais qui explose dans le Monde entier.
Les douros, c'est comme partout, il y a de tout. Beaucoup d'engins bodybuildés, cuits sur les pentes majestueuses de cette incroyable vallée viticole, et puis des OVNIs, à l'image de ces trois bouteilles alsaciennes qui débarquent dans ce jour d'après.
Franchement, au début, quand João m'alpague, par hasard ce matin-là, je ne m'imagine vraiment pas goûter du vin. D'autant plus que mon cher sencha Fuji a été réduit à une seule théière, et que j'ai passé dune heure à faire la discussion en pré-banlieue à des vendeurs de voitures persuadés du sublime intérêt du "Bichénonne******" et autres sublimes trouvailles automobilesques allemandes qui se monnayent au prix d'un grand cru bordelais ou bourguignon.
Mais bon, c'est João, alors, de bonne grâce, j'attrape le verre qu'il me tend gentiment. Un blanc pour se décrasser, c'est vif, joyeux, pas complètement mon style à cause de ce côté un poil exubérant, mais d'une fraîcheur qu'on ne s'attend pas à trouver dans un sec du Douro. Pas mal.
Et puis, sans se perdre en blabla, il me sert un peu de la deuxième bouteille d'Alsace.
– Ah, c'est rouge?
– Eh oui, regarde l'étiquette, Tinta francisca, c'est le cépage. On dit que ça a été imprté de France, de Bourgogne, il y a longtemps.
Effectivement, on a du en rencontrer en faisant les alpinistes chez lui, sur les coteaux de Covas de Douro. Et ça, c'est vraiment très bon. Quasiment idéal dans mon état, entre une syrah du nord, un braucol de Plageoles et un beau breton ligérien. On est à des années-lumière de l'image un peu lourde qu'on a des vins de cette région portugaise. C'est frais, digeste, gouleyant mais avec du fond.
Idem avec son petit-frère, très proche mais peut-être un poil plus structuré, le Touriga fêmea, autre descendant du touriga nacional. Encore un vin qui efface les lendemains. À tel point que je m'en suis resservi un verre, pas pour goûter, mais pour boire.
Alors, bien sûr, vous me direz que tout ça, c'est de l'alcoolisme mondain, de l'ivrognerie. Que de surcroît s'y ajoute le délicieux accent humide et chantant de João Roseira. Pourquoi pas? N'empêche que je vous promets que j'ai trouvé là des vins qu'on peut boire même "avec le casque".
* Célèbre plage chic de Sant Feliu de Guixols où se trouve le non moins célèbre Villa Más de Carlos Orta. Figurez-vous que grâce à Lola Taboury-Bize, on est allé dimanche dernier, en compagnie de grands vignerons (dont João Roseira et tant d'autres dont le grand monsieur ci-dessous) y visionner un film sur le vin (pourtant…), une sorte de Mondovino avec plus de cœur, plus de buvabilité, et moins de marketing politique. On en reparlera.
** Je parle évidemment des prohibitionnistes subventionnés que nous nourrissons en France. Vous l'avez peut-être lu récemment (ici), ils se sont même immiscés dans le débat politique, poussant certain(e)s candidat(e) à la faute.
*** Les mêmes hygiéno-moralistes de l'ANPAA qui souvenez-vous prétendaient aussi réglementer nos pirouettes intimes, au nom de leur sacro-sainte addiction. Je m'en moquais dans la chronique qui se trouve au bout de ce lien.
**** Pourtant, Dieu sait si on nous en raconte des conneries faussement médicales et totalement commerciales en la matière, genre propagande nord-coréenne comme ici, ou pseudo-scientifique là.
****** Big Xenon en américain d'Espagne…
******* João Roseira qui d'ailleurs est le premier à répondre à cette question courte, fondamentale et ouverte à 360° que j'ai envie de poser à pas mal de monde: "pourquoi le vin?".
******* João Roseira qui d'ailleurs est le premier à répondre à cette question courte, fondamentale et ouverte à 360° que j'ai envie de poser à pas mal de monde: "pourquoi le vin?".
Même medicaments pour la resaca Touriga mais nacional du Type de Badens et quelques huîtres
RépondreSupprimerXavier
ça lui va bien cette petite barbe à Philippe Lagarde...
RépondreSupprimerHa ha ha ha !
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