Résistons !
Il est des anecdotes qui racontent une époque. Hier matin, je poste sur Facebook une remarquable série d'images. Un authentique reportage qui remonte à la fin du siècle dernier. Le photographe tarn-et-garonnais Jacques Laporte y raconte, dans un style naturaliste non dépourvu d'esthétique, les tue-cochons, les pela-porcs du Sud-Ouest. Peu importe d'ailleurs le Sud-Ouest, ces clichés ont une force, une valeur universelle, on y décrit la vie des campagnes avant que la Crise et surtout l'odieuse influence polymorphe de la grande distribution ne la cabossent. Reportage ethnographique ai-je envie d'écrire.
Immédiatement, c'est l'engouement, des centaines de personnes se ruent sur ces images, chacune d'entre elles racontant son petit bout de la joyeuse mort du Prince de Janvier, le souvenir du papet, de la mamie, l'odeur du boudin, le cri de la coche, l'allure du saigneur. Je l'ai déjà écrit, je pense que ce spectacle violent mais structuré, fondateur d'une culture, porteur d'un patrimoine, devrait figurer au programme des écoles. Car dans cette tuerie, le respect de l'animal est présent, cet animal dans lequel "tout est bon", et dont on ne jette rien, dont la mort fera vivre des mois durant une ou des familles. Les gamins sauront que la viande, c'est précieux, ça vient de quelque part, d'un coup de couteau et d'un cri, ça ne se gaspille pas.
J'ai moi-même activement participé à ce rite, tenu le cochon, vérifié la température de l'eau, pelé, charcuté… J'ai aussi commandé, à l'époque, à mon copain le talentueux Ulrich Lebeuf, un reportage du style de celui que j'ai relayé hier sur Facebook, magnifique travail (dont j'aimerais bien d'ailleurs retrouver la publication, dans L'Esprit du Sud-Ouest). J'ai aussi le souvenir d'une série de photos que j'avais réalisées, un jour de blizzard, dans la campagne des environs de Castres, les gouttes de sang dans la neige, les boîtiers embués dans la grange…
Énormément de commentaires, donc, autour de cette publication. Beaucoup dans le registre nostalgique auquel je ne goûte pas forcément, "c'était mieux avant". Car oui, la tue-cochon est plus rare aujourd'hui, traquée en France par les normes idiotes, cousines de celles que je dénonçais ici, qui font la joie de contrôleurs vétilleux, tyranniques, soucieux d'éradiquer tout poil qui dépasse, d'aseptiser tout ce qui peut ressembler à la vie. Pourtant, elle existe toujours, et, plutôt que de geindre, de nous lamenter, il ne tient qu'à nous de faire perdurer cette coutume. Résistons!
hypocrisie la plus absolue, la plus vulgaire.
De l'empathie, un vrai élan dans le fil de discussion qui se crée autour de ces images, une quasi unanimité si l'on excepte un fonctionnaire émigré à Paris qui nous raconte les nombreuses morts dues au manque d'hygiène vétérinaire des tue-cochons et l'anémiée, pardon la vegan de service, spécialiste des photos de chatons, qui vient cracher sa haine et son malheur, ses désirs castrateurs, puritains, au milieu du bonheur des autres: "Des photos ignobles d une belle tuerie en groupe. Tellement convivial d égorger et d entendre hurler une bête. Un bel art de vivre! Bonne (sic) appétit!"
Et puis, à l'instigation ou pas de cette clique de dégénérés (qui se déplace généralement en meute comme les rats) tombe la censure. Un voile pudique vient recouvrir ces images, "masquées parce que (selon Facebook) elles montrent du contenu pour adultes, par exemple de la violence explicite". Évidemment, on y voit, deux quartiers de cochon, une tête de porc, des andouilles de couennes…
La censure représente rarement un signe, une expression d'intelligence, mais que dire devant l'épaisse vulgarité, les monceaux d'hypocrisie, la brutale imbécilité de cette décision-là? Que dire devant la part de misère intellectuelle, de cauchemar climatisé qu'elle recèle? Décision obscène imposée qui plus est par les tenants de la culture barbare du hamburger et du poisson carré capable d'interdire aussi L'origine du Monde ou Francis Bacon.
Que dire? Encore une fois, résistons.
magnifique reportage, qui n'existe plus malheureusement!
RépondreSupprimerBien sûr que ça existe. Et à nous de faire que ça existe encore plus!
SupprimerPas plus tard que vendredi, je devais faire un tue cochon dans une ferme d'un petit village du Quercy, mais le tueur n'a pas voulu, la trouille peut-etre ? ou le droit à l'image, dommage pour tout le monde.
SupprimerUne photo est masquée ?? Est-ce juste pour moi ?
RépondreSupprimerC'est juste afin de montrer comme ont été censurées beaucoup d'images sur 'Facebook'.
SupprimerNe vous bandez pas les yeux "ces photos ont été censurées non pas pour le caractère violent" mais bien par collaborationnisme avec les musulmans !!!
SupprimerVous ne croyez pas que vous tapez un peu à côté de la cible, là?…
SupprimerOui, toutes ces morts dues au manque d'hygiène dans ces abattages clandestins. Je ne me souviens plus combien de fois je suis mort dans mon enfance à cause des mœurs répréhensibles de mes campagnards aïeuls. Parce-qu'il n'y avait pas que le cochon. Il y avait aussi le mouton, le veau...Et toi, Vincent ? Combien de fois ressuscité ?
RépondreSupprimerOui, mort de rire, surtout, Christophe!
SupprimerLa veille, pluche de 10 kg d'oignons pour le boudin. Préparer les tables de travail pour le tueur (c'est comme ça qu'on dit chez nous). Le jour j, mélanger le sang pour pas que ça fige,tourner la manivelle du hachoir à pâté, goûter le boudin brûlant qui sort de la chaudière...
RépondreSupprimerJ'avais 10 ans, sans doute parmi les plus inoubliables traditions de mon enfance. Le cochon annuel (en novembre chez nous) nourissait 9 personnes pour quelques repas. On apprend à respecter, à cuisiner et à partager.
J'en ai encore les effluves aux naseaux !
SupprimerCoutume que j'ai appris à 35 ans et que je pratique depuis, presque chaque année, c'est le moyen de nous garantir une viande de qualité issus de cochon bien élevé. Car même dans l'Aveyron, territoire rural par excellence il n'est pas évident de trouver des cochons bien nourris!
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