D'un soleil l'autre.


Dimanche huit janvier, quatorze heures. Un des nombreux repas du week-end des Reyes, ces Rois espagnols que le pays ne finit pas de fêter, nous aussi d'ailleurs. Après quelques menus munificents, rien de tel que de revenir sur terre avec un de ces plats qui ne se la racontent pas. Si loin de ces menus récitatifs, parrot-like, dont on me montrait hier soir encore un exemplaire, ces menus où des cuistots sans imagination ni culture cochent, besogneux, les cases des produits qu'on doit servir pour faire XIe*. Enfin, XIe d'il y a un an ou deux, mais là, c'est juste le menu d'un Toulousain qui singe le Parisien. Betterave-couteaux**-espuma-burrata-butternut-etc. Espérons que la carte des vins ait un peu plus de rognons…


Mais revenons-en au bonheur: la tête de veau. Directement du producteur au consommateur, roulée à la ferme, de la même veine parthenaise que celle que j'évoquais ici, trimballée en glacière depuis le Poitou. Cuite classiquement dans un court-bouillon de légumes du jardin et d'un verdejo castillan au moins aussi végétal que les queues de poireaux qui y baignent. Et accompagnée de sa traditionnelle sauce à la one again, un cocktail de gribiche et de ravigote, moutarde, câpres, cornichons, persil, cerfeuil (quand il y en a), ciboulette, échalotes, huile d'arachide, vinaigre de jerez, poivre, œufs durs et sûrement un truc que j'oublie.


Le beurre et l'agent du beurre, c'est tout simplement de manger ce plat éternel, un huit janvier, en T-shirt, et en terrasse. Avec vue sur la Costa del Garraf puisque nous sommes un tout petit peu au sud de Barcelone. Quant au sourire de la crémière, c'est d'arroser tout ça de belles et bonnes bouteilles qui finissent de nous persuader que ce gentil veau du Poitou, enfant de parthenaise, n'est pas mort pour rien.


D'abord, un qui pinote plus qu'il ne gamète (pardon! Almanach Vermot, sors de ce corps!), un jus de fruit issu de nobles vignes, qui coûte dans les sept euros le bout et qu'on est content de ne pas avoir à la maison parce que c'est un truc à faire monter horriblement les Gamay GT (re-pardon…). 
Rien de bourguignon ni de beaujolais là-dedans pourtant, nous sommes en Espagne, en Galice, à Monterrei, chez ce cher Jose Luis Mateo***. Son petit vin, issu du millésime 2014 qu'il jugea trop compliqué pour faire du grand vin, a pourtant tout d'un grand. C'est un pot-pourri de cépages locaux, notamment de la mencia et du bastardo, c'est-à-dire du trousseau, ce qui nous fait naviguer de la Bourgogne et du Beaujolais au Jura. Délicieux!


Pour aimer, il faut souffrir un peu, c'est que nous enseigne fort à propos la bouteille suivante, jurassienne pur jus, qui elle en revanche n'aura pas l'honneur de côtoyer le veau de Vausseroux. Piquée et horriblement oxydée****, je dirais juste que le moins pire dans ce produit, c'était sa couleur d'urine de diabétique oubliée soixante-douze heures dans un flacon d'analyse…


Heureusement débarque Tissot qui sauve l'honneur de la Franche-Comté. Nous voilà dans l'esprit "infusion de raisin" de l'excellent rouge qu'avait sorti Houillon en 2011*****, juste un peu moins "lumineux", et un plus court. Moins étoffé aussi que le sublime trousseau d'amphore de ces mêmes Bénédicte et Stéphane Tissot dont nous nous étions régalés ici. Toujours est-il que le bébé de la vache, moins bégueule que moi, en mugit de plaisir******!


Mais franchement, la bouteille de référence sur cette tête de veau en terrasse, avec son côté spumante, c'est le très conventionnel morgon de Lapierre******* (oui, je sais, ça fait papy continuer à boire ça, mes copains wine-geeks vont encore me faire la gueule…). Je ne suis pas toujours fan de la production de ce domaine qu'on ne présente plus, il n'empêche que le soleil beaujolesque de deux-mille-quinze répond merveilleusement à celui du Garraf. Et nous disent que les beaux jours approchent…




* Arrondissement.
** Il faudra un jour que je vous dise tout le mal des odieux couteaux d'élevage qu'on sert dans les restaurants français. Je ne sais pas dans quel pousse-caddie les cuistots vont acheter cette merde, mais vraiment, mieux vaut directement manger du surimi de Lidl!
*** Lire ici et .
**** Malheureusement pas la première de cette cuvée qui m'arrive dans cet état qui n'a plus grand chose à voir avec le vin.
***** Vous savez à quel point j'ai aimé ce rouge presque pas rouge que je n'arrête pas de citer en référence, telle une espèce de madeleine (jurassienne) de Proust. Regardez, ici, ici ou encore ici. Un soir de soif, il nous est arrivé d'en boire cinq bouteilles à deux.
****** Et plus encore les mirabelles en bocal du dessert avec lesquelles le fond de ce poulsard établira un dialogue intéressant, leurs finales se mêlant avec grâce.
******* Version normale, avec SO2. L'autre, nature, n'est pratiquement pas distribuée en Espagne, à part je crois par Benoît Valée à L'Ànima del Vi.


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