Sortez couverts !


Rassurez-vous, je ne vais pas vous resservir cette histoire de préservatif pour le vin que vous avez sûrement vu passer il y a quelque jours. Pour ceux qui l'ignorent, ce projet, le Wine Condom, vient du Texas, il nous est arrivé par le Québec, et si ça vous intéresse, vous pouvez même en devenir actionnaire ici. Remarquez, pourquoi pas? Ce ne sera pas pire que les odieux Vacuum et assimilés qui détruisent le vin à coup sûr.


Non, la capote dont je veux vous entretenir, je l'ai découverte il y a quelques années en débouchant une bouteille d'un de mes pinots fétiches. Il s'agissait d'un des "petits" vins de Phillip Jones, le "sorcier de Leongatha", sa cuvée Estate, un produit au tarif toutefois confortable puisque le 2010 se négocie soixante-dix-sept  dollars australiens prix public au domaine, soit cinquante euros.
Comme vous le voyez sur les deux photos ci-dessus et ci-dessous, le bouchon de cette cuvée dont le roule est parfaitement normal, présente la particularité d'avoir ses deux têtes, ses deux faces recouvertes d'une sorte de pellicule qui n'est pas loin de faire penser à un préservatif.


En y regardant de plus près, il s'agit en fait d'une très fine pellicule d'une sorte de matériau qui ressemble plutôt à du boyau de chat*. Le fabricant, ProCork, une entreprise franco-australienne, explique qu'en fait cette membrane microscopique est constituée de cinq couches de polymères cristallines enrobé dans un film.
Le but de la manip, vous l'avez compris, c'est de préserver le vin de cette maladie, de cette contamination sournoise que nous connaissons trop bien: le "goût de bouchon". Car, même si le sujet de la contamination aux TCA** fait partie des secrets de famille du Mondovino, camouflé à l'aide de voyages de Presse et de graissages de pattes, il n'en demeure pas moins un problème majeur. Une sommelière me racontait la semaine dernière (alors qu'elle jetait à l'évier un délicieux chinon liégeux)  que dans son grand bar à vins les bouteilles bouchonnées représentaient un manque à gagner de plus de mille euros par mois! Difficile d'obtenir des chiffres fiables, mais l'on estime que jusqu'à 10% des vins sont corrompus, d'une façon ou d'une autre, par les TCA. Car, je le répète souvent, au delà du bon vieux "goût de bouchon" bien net, bien franc, facilement identifiable même par les becs de zinc, il en existe toute une variété qui, à des degrés divers, sans que le profane ne pense à mettre en cause le liège, amoindrissent de façon plus ou moins grave le contenu de la bouteille. Et annihilent les efforts du vigneron.


Face à ce problème qu'on continue souvent de traiter à la légère, existent bien sûr plusieurs solutions. je redis ici tout le bien que je pense des capsules à vis; que nous devrions, si nous étions raisonnables, utiliser pour la majeure partie de la production vinicole, notamment en blanc et en rosé. En des temps où l'on veut abaisser le sulfitage des vins, ce serait même la solution la plus logique. Mais le traditionnalisme, encouragé par une belle masse d'ignorance, épaulée elle-même par les grand-publi-reporters cités plus haut, fait qu'il est très difficile sur certains marchés comme la France d'imposer ce choix. Idem pour les bons composites.
C'est peut-être là, donc, que se trouve le créneau de ce bouchon à capote de ProCork. Personnellement, plus que l'apparence, seul m'importe ce que j'ai dans le verre. Donc, je ne vois absolument aucune objection à ce que les bouchons sortent couverts. Au contraire!




* Très vite, une précision en ces temps où il vaut mieux tuer des milliers d'enfants pauvres, syriens notamment, que de blesser un siamois: le boyau de chat n'en a jamais été! La morale est sauve, le catgut des cordes de violon puis des raquettes de tennis ne provenait pas de ces bestioles sacrées mais de moutons, de mulets, de chevaux ou de bœufs. Quant aux abat-jours, c'est généralement de vessie de porc qu'ils étaient tendus…
** Le goût de bouchon, en fait, l'odeur de bouchon est due à la présence de molécule de type haloanisole et halophénols dans l'environnement. Les haloanisoles sont les TCA, TeCA, PCA, et TBA 2; les halophénols sont les TCP, TeCP, PCP et TBP. Pour le vin, on estime que le TCA 2,4,6-trichloroanisole serait le principal contaminant, contamination imputable à 95% au bouchon de liège.



Commentaires

  1. Je connais l'incontinence des vessies de port (d'Admsterdam), mais si on ne les prend pas pour des lanternes, je pense qu'il s'agit ici de vessies de porc ;-)

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    1. Très juste, ce ne sont pas les mêmes, je "pisse comme je pleure sur les femmes infidèles…"

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    2. C'est corrigé, le cochon a repris ses droits.

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