Le vin, une monstruosité écologique ?
Le marketing, pourtant prolixe, n'a pas assez de mots pour dire l'inextinguible soif de Nature du Mondovino. En matière d'écologie, c'est à celui qui lavera plus blanc que blanc, ou plus vert que vert si vous préférez. Et, soyons honnêtes, en quelques années, il y a eu de réels progrès, un vrai basculement (en ce qui concerne en tout cas la partie la plus responsable de la filière) vers une agriculture davantage respectueuse de l'environnement. Pour rester hexagonal, le succès d'un salon comme Millésime Bio (et de ses satellites) qui a phagocyté, ringardisé l'univers en carton-pâte du pauvre Vinisud témoigne de ce qu'on a du mal à ne pas voir comme une avancée.
Pour autant (et en paraphrasant Sade), vignerons, encore un effort si vous voulez être écologistes. "Je viens offrir de grandes idées, on les écoutera ; elles seront réfléchies, si toutes ne plaisent pas, au moins en restera-t-il quelques-unes; j’aurai contribué en quelque chose, au progrès des Lumières et je serai content." Car, dans l'intérêt même de ce patrimoine, de cette culture, de ce message civilisateur qu'est le vin, il faut encore faire radicalement avancer les choses, et cesser la politique de l'autruche.
Le vin est-il, comme je l'écrit en titre, une monstruosité écologique. D'une certaine façon, oui.
Et pas nécessairement où on l'attend, dans l'agronomique. Même si en matière de maîtrise des pratiques, il reste aussi du chemin, beaucoup de chemin à faire, entre une viticulture de masse souvent dégueulasse et une élite bio qui ne peut faire l'économie de la recherche, sans œillères. Pas non plus au chai, car le débat est suffisamment grave pour qu'on ne se perde pas en enculages de mouche sur l'impact sanitaire de cinq ou dix milligrammes de dioxyde de soufre.
La monstruosité, à mon sens, réside dans la dimension commerciale du produit. Tout se gâte au moment précis où le jus devient cru, pire encore si ce cru se prétend grand. Tenez, la bouteille, d'abord. Bien sûr, tout le monde ou presque, dans les pays développés, chez les producteurs bien élevés, a abandonné le flacon "poï-poï" à un kilo pièce (vide…), mais on est encore loin du compte. Il existe depuis des années des solutions qui permettent de diviser par deux le poids du contenant, à l'image de la gamme Ecova de Verallia, issue du groupe français Saint-Gobain. Trop peu d'opérateurs y ont recours, préférant le "look rappeur"…
Et dans ce domaine, on peut, on DOIT aller beaucoup plus loin. Comment ne pas s'intéresser au fantastique projet lancé à Toulouse par Séverine Laurent et James de Roany. Leur entreprise, Green Gen Technologies, toujours à la recherche d'investisseurs, a mis au point une flacon en fibre de lin (100% français). Alors qu'une bouteille normale pèse en moyenne huit-cents grammes, la leur en affiche cent quatre-vingt-dix sur la balance tout en étant pratiquement incassable et rapidement biodégradable (cinq mille ans de patience pour le verre). "Notre filière, explique James de Roany, est à mon avis à la veille d’un tsunami et cela arrivera quand le bobio (tous les bobos sont déjà devenus des bobios) comprendra l’incohérence d’acheter son vin bio dans une bouteille en verre au bilan carbone désastreux. Ce jour là, la filière sera désarçonnée car elle perdra l’essentiel de sa valeur à vendre en vrac ou en BIB. […] San Francisco a décrété l’interdiction de vendre de l’eau minérale en bouteille en verre depuis plusieurs années et en plastique depuis quelques jours (il faut deux tonnes de pétrole pour produire une tonne de PET). Le raisonnement est simple: « est-il raisonnable de faire venir de l’eau des Alpes en bouteille-verre à San Francisco? »… et demain ce sera la même chose pour une bouteille de côtes-du-rhône ou de rioja: fermeture des frontières et droits de douanes en sus…"
Bien sûr, au début, ce contenant va coûter un peu plus cher, mais a-t-on vraiment le choix?
Et pas nécessairement où on l'attend, dans l'agronomique. Même si en matière de maîtrise des pratiques, il reste aussi du chemin, beaucoup de chemin à faire, entre une viticulture de masse souvent dégueulasse et une élite bio qui ne peut faire l'économie de la recherche, sans œillères. Pas non plus au chai, car le débat est suffisamment grave pour qu'on ne se perde pas en enculages de mouche sur l'impact sanitaire de cinq ou dix milligrammes de dioxyde de soufre.
La monstruosité, à mon sens, réside dans la dimension commerciale du produit. Tout se gâte au moment précis où le jus devient cru, pire encore si ce cru se prétend grand. Tenez, la bouteille, d'abord. Bien sûr, tout le monde ou presque, dans les pays développés, chez les producteurs bien élevés, a abandonné le flacon "poï-poï" à un kilo pièce (vide…), mais on est encore loin du compte. Il existe depuis des années des solutions qui permettent de diviser par deux le poids du contenant, à l'image de la gamme Ecova de Verallia, issue du groupe français Saint-Gobain. Trop peu d'opérateurs y ont recours, préférant le "look rappeur"…
Et dans ce domaine, on peut, on DOIT aller beaucoup plus loin. Comment ne pas s'intéresser au fantastique projet lancé à Toulouse par Séverine Laurent et James de Roany. Leur entreprise, Green Gen Technologies, toujours à la recherche d'investisseurs, a mis au point une flacon en fibre de lin (100% français). Alors qu'une bouteille normale pèse en moyenne huit-cents grammes, la leur en affiche cent quatre-vingt-dix sur la balance tout en étant pratiquement incassable et rapidement biodégradable (cinq mille ans de patience pour le verre). "Notre filière, explique James de Roany, est à mon avis à la veille d’un tsunami et cela arrivera quand le bobio (tous les bobos sont déjà devenus des bobios) comprendra l’incohérence d’acheter son vin bio dans une bouteille en verre au bilan carbone désastreux. Ce jour là, la filière sera désarçonnée car elle perdra l’essentiel de sa valeur à vendre en vrac ou en BIB. […] San Francisco a décrété l’interdiction de vendre de l’eau minérale en bouteille en verre depuis plusieurs années et en plastique depuis quelques jours (il faut deux tonnes de pétrole pour produire une tonne de PET). Le raisonnement est simple: « est-il raisonnable de faire venir de l’eau des Alpes en bouteille-verre à San Francisco? »… et demain ce sera la même chose pour une bouteille de côtes-du-rhône ou de rioja: fermeture des frontières et droits de douanes en sus…"
Bien sûr, au début, ce contenant va coûter un peu plus cher, mais a-t-on vraiment le choix?
Car il faut évoquer l'épineux problème du transport. Le vin, c'est du verre, de l'eau. Ça pèse !
Là encore, il faut travailler pour ne pas avoir à renoncer brutalement, un jour, à la tradition civilisatrice du vin, débutée dans les amphores. Des alternatives existent, notamment, avec de beaux projets de voilier-cargos. Quelle que soit d'ailleurs la nature des voiles, fluide, rigide ou même photovoltaïque.
Et puis, certains opérateurs imaginent déjà des façons différentes de faire bouger leurs stocks, en gros conteneurs, en vrac, plutôt qu'en emballage individuel, avec embouteillage à destination. Plutôt que de se lamenter, ou même conspuer, nous allons tous devoir inventer, changer les habitudes, coûte que coûte.
Là encore, il faut travailler pour ne pas avoir à renoncer brutalement, un jour, à la tradition civilisatrice du vin, débutée dans les amphores. Des alternatives existent, notamment, avec de beaux projets de voilier-cargos. Quelle que soit d'ailleurs la nature des voiles, fluide, rigide ou même photovoltaïque.
Et puis, certains opérateurs imaginent déjà des façons différentes de faire bouger leurs stocks, en gros conteneurs, en vrac, plutôt qu'en emballage individuel, avec embouteillage à destination. Plutôt que de se lamenter, ou même conspuer, nous allons tous devoir inventer, changer les habitudes, coûte que coûte.
Reste une des plus incroyables nuisances qu'ont généré le Mondovino et ses snobismes. Fini le temps de la Compagnie des Indes, il ne s'agit plus seulement de déplacer le contenu, le contenant. On doit aussi depuis vingt ans véhiculer le vigneron (ou ses "ambassadeurs" comme on dit en toute modestie dans l'industrie pinardière).
Là, pour susciter le transport amoureux du micheton, rien n'est trop beau. Rien que sur les salons "de proximité", il suffit de jeter un œil au parking exposants pour se rendre compte que la quéquette tient toujours le volant: on aime le gros, le lourd, le vorace. Et ne croyez pas trouver plus de cohérence environnementale dans des évènements bio, nature & Cie, nombreux sont ceux qui passent sans coup férir de la bohème à la Béhème…
Le pire évidemment, c'est le long-courrier. Un grand ouayemaqueur qui aime la terre, avec ou sans SO2 à l'intérieur, ça prend l'avion au minimum cent jours par an. À tel point qu'on se demande si, pour certaines bouteilles de luxe, il ne faut pas dépenser dix litres de kérosène par kilo de raisin afin de lubrifier correctement le client, forcément riche et lointain.
À tous ces sauveurs de la planète, qui entre un Boeing et un Airbus n'ont pas toujours le temps de s'intéresser à la misère du (bas-)monde, je livre ci-dessous le document, publié par l'institut Novethic (issu de la dangereuse bande anarchiste de la Caisse des Dépôts, au 56 de la rue de Lille) qui explique ce que nous allons avoir à respecter dans les années à venir afin de ne pas voir totalement sombrer la civilisation du vin (et l'Humanité toute entière). Ils verront alors si nous pouvons continuer à concevoir le vin de façon irresponsable et, comme Saturne, continuer à dévorer nos enfants.
Méditons. Et agissons. Peut-être déjà en tentant, comme les locavores, de boire local.
Pour préserver l'environnement il faut effectivement changer les mentalités... pas seulement pour le transport du vin.
RépondreSupprimer