Semelle rouge.


Publier ce genre d'image (et ce genre de chronique) en ce 8 mars n'est pas entièrement innocent. Alors qu'à juste titre les femmes manifestent, d'une façon ou d'une autre, pour obtenir ce qui devrait être normal, les plus politisées d'entre elles (l'extrémisme féministe vaut guère mieux que tous les autres extrémismes) y verront une provocation. Voire une atteinte à la morale.
Dans mon esprit, ce n'est qu'un rappel: la lutte pour l'égalité des droits n'est pas une affaire de harpies, de camionneuses et de poissardes; la féminité (qui peut tout à fait se passer d'escarpins), cet enchantement, ce trouble sublime, n'est pas son ennemi, au contraire, elle peut devenir une de ses armes les plus pointues.


Fétichisme ? Peut-être. Réminiscence ? Sûrement. Les semelles rouges de Louboutin m'évoquent immanquablement un canapé toulousain, rue Pharaon, et les jambes interminables qui les portaient bien avant que ce ne soit de mode. Pourtant, c'est la conversation de cette femme dont le sourire éclatant ne masquait pas complètement les yeux un peu tristes qui m'a séduit. J'ai aimé sa bouche aussi rouge que les semelles de ses souliers. Et tant pis si mon comportement a été "inopportun", s'il était trop tard pour sonner à sa porte, sur la foi d'un regard sûrement trop insistant, d'un frôlement peut-être accidentel. 


C'est une bouteille de champagne qui m'a fait penser à tout ça. Sur un sol de craie, mais loin de celle de la Champagne*. Non pas que je pense que le souvenir se loge dans la bulle, je crois plutôt l'inverse. Il me faut des tanins, et un rouge plus sombre que celui des Louboutin pour que revienne le passé.
Mais cette bouteille, elle, avait la semelle rouge. Le cul, en tout cas, la piqûre comme il est (était?) d'usage de désigner cette partie du flacon. Le vin quelle contenait n'était pas si mal (je l'ai trouvé un peu lourd), malencontreusement, j'ai oublié la marque, peut-être obsédé par l'emballage, la hauteur des talons, la longueur des jambes…


Avant de passer pour un macho moustachu (les machos sont forcément moustachus comme les féministes sont nécessairement des harpies, des camionneuses et des poissardes), je tiens toutefois à rassurer les fétichistes de la couleur, du symbole et des journées d'action. J'ai l'air de persiffler, mais en signe de solidarité, le macho que je suis ne porte pas du rouge, aujourd'hui mais du violet. Du pull à la pochette. 
Mesdames, mesdemoiselles, bonne journée !




* Par parenthèse, ce même soir, dans un bistrot aussi formidable qu'improbable, j'ai guéri ma mélancolie en buvant, grâce à une vigneronne, de délicieux champagnes de terroir (Le Mesnil-sur-Oger), sans semelle rouge. Je pense en particulier à cette cuvée 3210 de Philippe Gonet, aussi peu maquillée qu'une suffragette, "tendu comme un string" se serait-on honteusement permis de dire en d'autres circonstances.










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