Dans agriculture, il y a culture. Ou pas.


Nous sommes dans un des plus célèbres marchés du Monde, à la Boqueria. La loge, conséquente, où je suis en train de me fournir s'appelle Avinova, l'entreprise des frères Capdevila (dont un, Salvador, est le président des commerçants de l'endroit). Avinova, c'est un peu "le" volailler barcelonais. Les Capdevila possèdent également un boutique de demi-gros, à quelques mètres d'ici, et sont fortement présent à Mercabarna, le Rungis catalan. 
La volaille, on le sait, ce n'est pas un point fort de l'alimentation locale. On en mange beaucoup, mais d'une qualité principalement désastreuse, tendance "goût de poisson". On est donc content d'avoir à proximité un fournisseur correct qui importe du Bresse, du Gascon et a également un poulet pyrénéen, venu de Berga, espagnol mais mangeable. 
Je dois en revanche à Avinova un merveilleux fou-rire, pas plus tard qu'hier, en découvrant sur l'étal cette étiquette psychédélique:


Poulet de "race Label rouge", sommet d'inculture agricole, et grand moment comique au passage. D'autant plus dans une région d'Espagne où l'on ne cesse de nous casser les bonbons avec une approche pseudo-scientifique (tendance Diafoirus) de l'alimentation, de forums gastronomiques pour démonstrateurs de poudre et de poisons en indigestes logorrhées sur les expériences culinaires et autres encyclopédies destinées à cacher la misère de la malbouffe. 
Gageons que sur les conseils avisés de sommeliers technologiques* ce poulet de "race Label rouge" s'arrose d'un vin issu du "cépage appellation contrôlée"…


Bon, un peu de sérieux, c'est de vraie et belle volaille que je veux vous parler ici, de culture, pas d'inculture. De ce patrimoine qui donne toute leur profondeur à des gastronomies comme celles de l'Italie ou de la France et dont l'Espagne, de dictatures en périodes de misère puis en américanisation forcée, a été en partie privée. À l'image de celle qui se trouve ci-dessus.


J'ai eu la chance de goûter récemment une vraie volaille de race, une Géline de Touraine. Celle de Gabriel Simon. Je vous avais parlé de lui au détour de cette maudite chronique, récit d'une journée si bien commencée, au Paradis, dans les vignes de Bourgueil**, et finie en Enfer, sur les ramblas.
Ce jeune homme fait donc partie de ceux qui veulent remettre de la culture dans l'agriculture, l'aviculture en l'occurrence. On ne va pas revenir sur sa détermination, et au passage les embûches qu'on met sur son chemin, c'est de produit qu'il est question. Arrivée par colis spécial (il expédie), sa première Géline est passée à la casserole, et a fait l'unanimité: une chair dense, juteuse, goûteuse, "viandue", une peau dont on se régale (ici en Espagne, généralement on jette la peau…), bref une volaille de luxe qui, dès les débuts de cet élevage, le place à haut niveau, dans l'esprit de ce que fait l'excellent Fred Ménager à La Ruchotte***. 
Bref, une raison de plus de revenir au pays de Rabelais.




* À propos de sommeliers, lire l'interview drôle et musclée de l'écrivain-journaliste suisse Michel Dovaz dans la dernière livraison de la Revue du Vin de France. Savoureux! (extrait ci-dessous)


** Dans les vignes et dans le restaurant du père de Gabriel, Vincent Simon, halte obligatoire en Touraine, un des temples de "la cuisine à visage humain".
*** Nous avions d'ailleurs mangé la veille au soir des volailles de La Ruchotte (ci-dessous), ce qui donne un point de comparaison!



Commentaires

Articles les plus consultés