Refusons les croquettes !


On connaît bien les mécanismes qui font le succès des mangeoires branchées. Peu importe le contenu de l'assiette, ce qui compte, c'est d'y être, et d'y être vu, de le faire savoir. Un peu comme pour la fringue, la bagnole, bref tous les signes panurgiques d'appartenance à la merveilleuse société de (sur)consommation grâce à laquelle nous détruisons méthodiquement la planète*.
C'est ainsi, parfois même au sens propre du terme, que l'on fait manger de la merde aux gogos capables de payer, cher de préférence (sinon, ça ne vaut pas…), pour leur propre empoisonnement, et aussi celui de leurs congénères moins fortunés, convaincus par l'exemple des riches que la soi-disant modernité alimentaire est l'avenir de l'homme.


Quitte à me répéter (je serine ça depuis plus de vingt ans), le problème n'est pas tant que des couillons aisés aillent se faire enfiler chez des aigrefins étoilés, des Adrià, Roca, Blumenthal, Marx et autres utilisateurs de tours de passe-passe chimico-industriels**, le drame réside dans le pouvoir qu'une certaine caution gastronomique octroie à ces gargotiers légitimant aux yeux du grand public la production de l'internationale de la malbouffe. Récemment encore, on voyait dans la boîte-à-cons, Frechon, chef du Bristol célébré par le Guide des Pneus, expliquer à la ménagère de moins de cinquante ans (qui a du quelque peu vieillir depuis) les vertus du beurre Président***, produit-phare du Groupe Lactalis dont on sait à quel point il fait du bien à l'agriculture et à la gastronomie française. À cet égard, je vais éviter d'exprimer le fond de ma pensée qui me pousserait à faire un parallèle avec le plus vieux métier du Monde, je suis déjà poursuivi en justice pour ce genre d'assertions par un obscur cuistancier toulousain versé dans le degré/hecto.


J'ai souvent dit, et je crois même écrit, que face à une assiette, ou à un verre de vin, il fallait se comporter comme un cheval devant une flaque d'eau. L'animal fait confiance à son instinct, à son odorat afin d'éviter ce qui lui nuit et ignore totalement les signaux pervers, débilitants qui servent d'appeaux aux snobs, aux crétins.
Ce conseil de bon sens, grandement oublié par notre société nutellisée, cocacolaisée, mcdonaldisée, vient de m'être rappelé par notre chienne, Olive. Alimentée aux croquettes quand nous l'avons adoptée, nous avons décidé, après avoir consulté différents avis autorisés y compris vétérinaires, de la nourrir normalement,  de façon ménagère, avec de la viande, du riz, des légumes****. Et comme la plupart des animaux que j'ai connus, pas intoxiqués à la nourriture industrielle (sans faire d'anthropomorphisme le mécanisme est le même qu'avec lait en poudre, petits pots, etc…), elle a adoré. Mieux, elle a changé son rapport à l'alimentation, donnant l'impression désormais de se nourrir, et d'y prendre du plaisir, tout en manifestant sa joie, sa gratitude.


L'anecdote d'Olive va sûrement faire rire les tenants de la malbouffe, voire du foodisme. J'éviterai de leur rappeler la longue liste d'intrants, adjuvants, améliorants, excitants, stimulants, etc que l'on trouve dans que l'industrie souhaite que l'on administre aux animaux, digne d'un repas au Bulli, au Fat Duck ou à Tickets ; détail amusant, j'y ai même découvert de la taurine, comme dans le Red Bull.
De renoncements en conformismes, c'est évidemment ce même genre d'agglomérats, vides de goût, vides de sens, rendus attrayants, appétents, ludiques par tout un arsenal chimique que se fait fourguer l'humain, avec la bénédiction de chefs achetés. Alors, face à notre nourriture, ayons au moins l'intelligence d'un chiot de trois mois, refusons les croquettes, fussent-elles à la mode…




* Un parallèle avec le milieu de la Mode évoquée dans cette chronique de 2013.
** Notamment les poudres magiques du catalogue Sosa, lisez-le, vous deviendrez sûrement un artiste. C'est ici.
*** Vous trouverez ici une galerie de portraits de tous les gâte-sauces qui collaborent à cette grande œuvre.
**** Contrairement au chat, pur carnivore, le chien est, comme l'humain, omnivore.


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