Tendances alcooliques


Début août, rien de tel qu'un petite histoire de tourisme et d'argent pour remplir des journaux que les vacances commencent à faire maigrir. Ainsi celle de ce riche Chinois venu se reposer dans la très huppée station de Saint-Moritz, tout à l'est de la Suisse. Et que croyez-vous qu'il commanda en descendant à Sils, au bar du Waldhaus Hotel Am See? Eh non, pas un de ces merveilleux vins valaisans qui font souvent mon bonheur. Ni même, pour faire couleur locale, un blanc ou un rouge du nord de l'Italie si proche. Et encore moins une de ces délicieuses trouvailles autrichiennes qui nous rafraîchissent le palais. Le touriste chinois a opté pour un whisky*. Mais pas n'importe lequel, un Macallan.


Le Macallan, c'est le whisky bling-bling**. Un marketing puissant, calqué sur le grosses maisons de cognac, des carafes bien lourdes (merci Lalique), des apparitions au cinéma, et une présence importante en Asie. "Si à cinquante ans tu n'as pas bu un Macallan, tu as raté ta vie!" Enfin, chez les beaufs friqués en tout cas. 
Mais là, le Chinois du Waldhaus a fait plus fort, il a commandé un verre, enfin un baby, deux centilitres de Macallan 1878, une bouteille qui dormait depuis vingt ans dans la cave, estimée à cinquante mille francs. 
– Voici votre petite note, monsieur. Ça vous fera neuf-mille-neuf-cent-nonante-neuf francs.


Le plus drôle*** finalement est cette phrase du patron de l'hôtel, Sandro Bernasconi, rapportée par le journal 20Minuten, "le client n'aurait jamais pensé qu'un whisky aussi âgé soit aussi bon qu'un Macallan plus récent". Et pour cause!
Si l'on en croît un expert intervenu dans les commentaires Facebook de cette chronique, c'est que ce Macallan 1878 serait un faux! Selon Serge Valentin, qui a plusieurs fois lancé l'alerte sur son blog Whisky Fun, il aurait été "fabriqué en Italie dans les années 1980-1990. Le marché des vieilles bouteilles en est inondé, pareil pour le cognac, ajoute-t-il. Les Chinois sont les nouveaux pigeons, ils achètent ça en masse aux enchères ou autres voies. Les distillateurs réagissent mollement, ils ne veulent pas voir leurs marques associées à des histoires de faux". Et de conclure, en référence à l'affaire Kurniawan, "hélas, ils n'ont pas encore leur Laurent Ponsot".


Cette hilarante anecdote estivale étant avalée, comment ne pas vous faire part des conclusions de l'International Wine & Spirits Competition qui vient de se tenir au Vinter's Hall de Londres? Selon l'expert Neil Ridley, de grandes tendances se dégagent sur le marché alcoolier. Et la première d'entre elles affirme-t-il dans le Telegraph, c'est la montée en puissance des whiskies jeunes, non millésimés. Le focus, dit-il, est mis davantage sur l'art de l'assemblage que sur le prestige de l'âge. C'est ainsi un Dalmour Valour qui a été distingué par le jury de ce concours, face à des eaux-de-vie plus anciennes.
Parmi les autres tendances, on ne s'étonnera pas de voir un soudain intérêt pour les alcools asiatiques, comme le baiju, la confirmation du mezcal, la place écrasante tenue par le gin dont l'offre commerciale ne cesse de s'étoffer: depuis 2013, l'IWSC a recensé quatre cents nouveaux gins en provenance de trente-cinq pays différents!
Enfin, une dernière tendance qui me va droit au cœur, le retour en grâce de l'armagnac, "un trésor caché" estime Neil Ridley qui souligne l'incroyable rapport qualité/prix de l'eau-de-vie gasconne.




* En fait, avec ses deux-mille-cinq-cent références, le bar du Waldhaus est inscrit au Guiness Book.
** Je vous avais parlé ici, dans mon guide de Barcelone, d'une salle Macallan secrète dans un speakeasy d'El Born.
*** Addenda 2/08/17, 23:00


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