En 2019, ne jamais laisser s'éteindre la lumière.


Elle est jaune. Oh, pas de ce jaune-gilet, tendance jaune-Ricard, qui de toute évidence virera au jaune-cocu quand sonnera l'heure, fatale, de l'addition. Là, c'est de jaune précieux qu'il s'agit, plaqué or 24 carats. Inutile de revenir sur "l'affaire", vous avez tous entendu parler de cette côte-de-bœuf (hommage à Diane de Poitiers?) qui fait fureur au Buffalo Grill des footballeurs, des nouveaux Russes, des bédouins qui carburent et autre flambeurs. Ironie de l'histoire, cet obscène symbole d'une époque qui va mal et semble courir à sa perte a été révélé aux yeux du "peuple", des "gens" comme on disait avant, par un de ceux qu'ils adulent et engraissent, un de ces millionnaires benêts que le ballon rond a transmuté en penseurs contemporains.


Évidemment, je voudrais vous souhaiter que 2019 nous guérisse des arrogantes côtes-de-bœuf plaquées or, des "côtes-de-bœuf plaquées or" en tout genre, même moins clinquantes, et des inévitables réactions populistes que suscite cette tambouille au parfum de décadence. Que nous ne revoyions plus les symboles de la République profanés, ses élus menacés, insultés comme dans les années trente, ses forces de l'ordre, ses journalistes pris pour cible, des statues brisées à la manière talibane, des lycées incendiés par leurs élèves, les rues des grandes villes libanisées
Je crains qu'il ne s'agisse d'un vœu pieu. Car ces derniers temps, chaque jour nous a apporté son lot d'images, de mots qui rendent encore plus effarante la situation actuelle de la France. Le délire, la violence, le mensonge, la menace, l'outrance, la contrainte, l'oppression, la sauvagerie y sont devenus une nouvelle normalité, au mépris de ce qui fait rêver ici.


Car malgré tout cela, je sais la chance que j'ai de vivre de nouveau dans ce pays. Puisque le triste spectacle de ces heures sombres, je le regarde avec un œil "d'étranger", cette espèce de mise en perspective qui permet aisément de comprendre à ceux qui ont connu l'ailleurs ce qu'est le privilège d'être né ici. Un privilège dont, pourtant, peu de détenteurs du passeport tricolore sont conscients. Je repense à cette phrase de Sylvain Tesson citée il y a quelque temps: "la France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer".
Comment lui donner tort d'ailleurs malgré le misérabilisme en vogue à l'extrême-droite comme à l'extrême-gauche? Non pas qu'il n'existe dans ce pays de réelles situations d'urgence, mais l'arsenal social demeure un des mieux équipés du Monde. Pas la peine d'aller bien loin pour comprendre ce qu'est la pauvreté, sans filet. Rien que dans la région voisine de la mienne, en Catalogne, une des régions les moins favorisées d'Espagne en la matière, ou d'autre extrémistes ont préférés "payer des drapeaux" et les mafieux qui vont avec plutôt que de financer des aides aux plus démunis. Beaucoup de Catalans rêveraient d'un système de Santé performant et quasiment gratuit (là-bas on se fait soigner carte bleue en main, comme chez Trump), d'une organisation scolaire où l'on ne soit pas obligé de payer pour éviter à ses enfants la bétaillère idéologique, d'allocations-logement dans des villes comme Barcelone où les loyers les plus bas sont plus élevés qu'un salaire minimum qui flirte généreusement avec les 860€/mois, de RSA, de tous les garde-fous mis en place ici contre la misère, critiquables certes mais opérationnels dans la majorité des cas.


C'est pas loin, la Catalogne. Je vous fais grâce du billet d'avion pour aller comparer notre détresse sociale à celles de nos cousins européens de l'Est, à celle des Africains, des Américains du Sud, de tant d'Asiatiques, je vous épargne ces voyages qui nous rappellent, que malgré nos malheurs, et éventuellement nos jérémiades (oui, nos jérémiades!), nous faisons partie d'une infime minorité de terriens qui ont la chance de vivre dans un certain confort, confort parfois exorbitant (désolé de le rappeler) au regard des équilibres planétaires, écologiques notamment. On l'a pas mal oubliée l'écologie dans la fumée des pots d'échappement des barrages jiléjônistes, dans la fièvre populisto-bagnoliste du moment; Trump, Bannon, Poutine, Le Pen, Erdogan, Salvini et tous les progressistes du genre étaient aux anges pendant que, ivres de haine, de rancœur, les idiots utiles du mélenchonisme battaient le rappel pour eux.
Rideau! Je préfère vous montrer du beau, du bon, cette France active, bosseuse, créative, pleine d'appétit, de soif, cette France qui gagne (parfois sans gagner beaucoup), qui va de l'avant, qui nous fait briller au delà des frontières cette France réelle (et consciente de la réalité), qui a tenu bon malgré la chape de plomb qui s'est abattue sur elle depuis le 17 novembre, malgré un climat délétère, le sabotage économique* et l'image désastreuse que nous avons donnée au Monde (pour le plus grand bonheur d'ailleurs des progressistes sus-cités). Je préfère que nous nous régalions en images de cette France qui se consomme (moins et mieux), de cette France qui s'admire comme on regarde l'être aimé.


Moi, pendant ce temps, renouant avec ce "paradis peuplé de gens qui se croient en enfer", redécouvrant grâce aux barrages pastis-merguez les chemins de traverse, j'ai fait ce que je sais faire, j'ai mangé et bu. Très bien, merci, les images qui précèdent en témoigne, à Béziers, Carcassonne, à Toulouse, à Agde, en Minervois, au Pic Saint-Loup ou ailleurs. Ces mots écrits ici passeront vraisemblablement pour une provocation aux yeux (injectés de sang) des tenants de l'idéologie triomphante des dernières semaines, les analystes qui n'ont rien vu venir, qui maintenant nous expliquent le pourquoi du comment (le comment du pourquoi tant leurs blablas sont surréalistes?…) jugeront ça futile, indécent. Ce n'est pourtant pas le but. Par parenthèse, il n'est pas interdit de penser calmement, le ventre plein, après s'être un offert un moment de plaisir, de luxe, à des tarifs qui feraient rigoler un ministre parisien**…
Si, dans ce contexte pénible, où la tragédie, les larmes de sang semblent inévitables, j'évoque le bonheur du repas "à la française", de nos vins (éléments incontestables du Patrimoine mondial de l'humanité), c'est qu'au delà des pathologies économiques, sociales, fiscales dont souffre l'Hexagone existent des causes psychologiques, voire psychiatriques au mal actuel. Depuis trente ans, gérant l'héritage Mitterrand, cachant la poussière sous le tapis (à droite comme à gauche), on a poussé le pays à "s'éloigner de lui-même". Peu à peu, sous l'apparence de la normalité, on lui a enseigné à l'école comme à la télé, à ne pas dire les mots, à cacher les maux, à douter de lui-même, à s'auto-flageller, et subsidiairement à taire les plaisirs qui étaient les siens (le vin et la table en faisant partie). Chemin faisant, on a inventé un vocabulaire mollasson adapté à cette mutation (d'autres diront lavage de cerveau), jargon oscillant entre technocratie et marketing, dont le but n'était que d'édulcorer (en apparence) les problèmes. Les quartiers, les territoires, les conseillers, les gamins hyperactifs, les seniors, la recherche d'emploi, le surpoids… Évidemment, ça n'a pas été sans générer d'importants troubles de la personnalité qui ont conduit à quelque chose qui, chez beaucoup, s'apparente à une profonde dépression, traitée à fortes doses de tranquillisants, d'anxiolytiques remboursés.


En ce début d'année, je vous souhaite donc un millésime 2019 moins jaune, plus joyeux, arrosé, gourmand, productif, amoureux, leste, gaillard, des fadaises amerloques auxquelles se raccrochent les plus ringards, les plus puritains d'entre nous, à l'opposé de l'hygiénisme panurgique du Dry January ou des frustrations des féministes en cartons allergiques aux jolies fesses***. L'essentiel est d'y croire. De continuer à y croire. De ne jamais, comme le désire si ardemment les malfaisants, laisser s'éteindre la lumière**** qui, elle, brille davantage que le plaqué-or.
Bonne année à toutes et à tous.




* On ne va pas revenir sur ce Noël où les méchants du Web planétaire et leurs cadeaux venus de loin ont raflé la mise. Qui, d'ailleurs, ces derniers mois n'a pas surfé pour contourner les barrages rouge-bruns dont je parlais ici? Face à la pénurie et l'absence de fournisseurs livrés, j'y suis même allé acheter du thé, à Berlin. Pour les amateurs, ça s'appelle Sunday Natural*, le choix est remarquable, les produits impeccables et les prix dérisoires. Même si les emballages sont dorés comme des côtes-de-bœufs…


** Pour ceux qui n'aurait pas suivi, il s'agit d'une phrase maladroite (et parfois volontairement mal comprise) de Gérald Darmanin, ministre du Budget (lire ici). Cet épisode, même s'il montre un certain manque d'à-propos, de diplomatie du politicien en question montre aussi la haine, la traque du "riche", devenues sport national dans une France envieuse, concupiscente, frustrée.
*** Faut-il revenir sur le ridicule tollé soulevé fin 2018 par la pub Aubade des Galeries Lafayette, les cris d'orfraie des indignées sélectives, le moralisme à deux balles et le cortège des faux-culs. Couvrez ce sein… Quant à l'hygiénisme franchouillard, j'en parlais encore ici.


**** À propos de lumière, de flamme aussi, comment ne pas vous parler de la merveilleuse bougie photographiée plus haut. Concoctée par Arthur Dupuy, "créateur d'odeur" à Montpellier. C'est absolument divin, en plus, ça chasse les miasmes!


Tant qu'à digresser et puisque le parfum incite à la lecture, j'en profite pour vous conseiller un joli bouquin d'images & d'utile propagande sur notre boisson préférée alors qu'il continue d'être la cible des pisse-froids, c'est Le vin de Sylvie Augereau et (remarquable regard!) du photographe Louis-Laurent Grandadam aux Éditions Tana. Plutôt que de blablater, feuilletez-en ici quelques pages de ce livre qui sait être didactique (parfois militant) mais sans jamais tomber dans le gnan-gnan, le scolaire.


Commentaires

  1. Et moi je me souhaite de pouvoir en 2019 m’attabler Avec toi devant un bon plat de gras double ou tripes à ta façon .. je t’embrasse et toujours merci de tout ce que tu écris
    Mireille

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  2. Comme toujours un grand plaisir a vous lire!

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  3. Bien dit et bien écrit! Tout çà me fout en rogne et me donne soif!Bons voeux!

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  4. La bouteille de la belle de nuit est très sensuelle...

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