Rendre le vin sexy.


J'ai été pris d'un gros fou-rire l'autre jour, en découvrant une publication annonçant un "festival international de journalisme*" qui se tiendra l'été prochain en Aquitaine. C'est de journalisme pinardier qu'il était question dans ce tweet, avec une question phare que, malgré mes larmes, j'ai relue plusieurs fois: "comment parler de vin sans forcément donner envie d'en boire?" Mon (mauvais) esprit étant ce qu'il est je n'ai pu m'empêcher de commenter : "bientôt sur vos écrans, le livre de cuisine pour devenir anorexique, et le film de cul pour débander…" D'autres que moi en en ont ensuite ajouté dans le genre.


Cette hilarante anecdote, même si elle a pour origine un évènement sponsorisé par ce que l'on appelait avant la Presse "catho de Gauche" (Le Monde, Télérama, La Vie…) montre bien l'espèce de moralisme, de puritanisme et de prohibitionnisme qui, dans le sillage des dames-patronnesses de la Loi Évin pollue les esprits en France. Qu'on le veuille ou non, désormais dans ce pays, "boire (du vin), c'est mal", quelles que soient les quantités, comme l'avait balancé l'actuelle ministre de la Santé avant de se faire convoquer dans le bureau du proviseur. D'une certaines façon, comme je l'avais souligné il y a longtemps, un certain discours naturo-hygiéniste a même tendance en la matière à remettre une pièce dans le juke-box.
Bref, tous ces gens aux yeux gris nous ont rendu le vin triste.


Voilà pourquoi j'ai envie de vous raconter l'ailleurs, les pays où boire du vin n'est pas encore considéré comme un péché mortel mais comme une culture, et (ne nous en cachons pas!) comme un plaisir. Un plaisir physique, sensuel, charnel. Car, vous le savez, depuis des années, mon leitmotiv, c'est plutôt, "comment parler de vin en donnant forcément envie d'en boire?", notamment au travers de ce bouquin du début des années deux-mille, D'amour & de Vin, dont j'ai entrepris d'écrire une version rénovée. 
D'où ce clin d'œil à un magazine, à une revue qui à son tour dépoussière le genre. Elle arrive de Berlin et s'intitule Schluck, ce qui signifie "gorgée" en allemand. Par parenthèse, au notera que dès le titre, il n'est pas question de contemplation, mais d'action, on boit, on avale!


Un titre pareil, rien que ce titre, est-il encore possible en France sans s'attirer les foudres des pisse-froids subventionnés? On peut se poser la question. Sans parler des couvertures de Schluck, entre glamour et porno-chic, qui vaudraient sûrement à ses auteurs d'autres procès, intentés cette fois par les chiennes de garde d'un féminisme qui confond parfois un peu son propre mal-être avec l'indispensable défense de la condition féminine. En plus évidemment de ceux, inévitables, s'appuyant sur la Loi Évin. En tout état de cause, la censure serait là pour veiller à la "bienséance". 


Pourtant, au-delà des miasmes de la France prohibitionniste, moraliste, un peu d'air frais ferait tellement de bien. Raconter le vin autrement, le vivre, lui faire l'amour. Fût-ce sur papier glacé. Le voir de nouveau en objet de désir, pas seulement pour de vieux collectionneurs compulsifs, frigides, impuissants, qui l'enterrent dans des caves poussiéreuses aux allures de nécropole, mais pour tous ceux qui rêvent d'en être les amants. Tout ceux qui ont le vin gai, qui ont envie de toucher le grain d'un tanin comme on le fait de celui d'une peau.
À ces derniers, je dédie la bouteille ci-dessous. Une bombe de fruit. Primesautière, éclatante, juteuse.  Aussi ronde qu'un ballon de rugby est ovale. Comme son nom l'indique, Mataró Boy, c'est du mourvèdre***, né pas loin des plages du Roussillon, pas plagiste pour un sou, direct. Sexy.




* À Couthures, en Lot-et-Garonne. Plus d'informations ici.
** En même temps, j'ai récemment vu l'une d'entre elles exhiber une des hideuses bouteilles de négoce du vigneron jurassien Ganevat (exemple ci-dessous), sibardiennes, sûrement un des sommets de l'avilissement de la femme en matière d'étiquette de vin.
*** Mataró est avec garrut un des noms utilisés en Catalogne pour désigner régionalement le mourvèdre du Levante. Ce rouge bio est produit au Mas Baux, à Canet-en-Roussillon.


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