Le Brexit se paye aussi en liquide.


Un des paradoxes les plus fascinants de l'aigreur nationaliste, c'est l'écart entre certaines de ses motivations, les espoirs qu'elle suscite et les répercussions de sa mise en œuvre. À cet égard, l'expérience britannique (même si elle fait moins "années trente" que ses cousines flamande, catalane, italienne, française, hongroise…) est riche d'enseignements, notamment au travers d'une de ses causes et conséquences majeures: l'économie.
Car, soyons clair, aux côtés du racisme et de la xénophobie, l'égoïsme est un carburant majeur, fondamental, du nationalisme. Séparé de, débarrassé de, on sera plus riche, on redeviendra aussi riche qu'avant, c'est un slogan de base qui fonctionne parfaitement chez les esprits faibles. Vivant à Barcelone, j'ai pu mesurer in vivo son efficacité*!


Quitte à me faire accuser de prendre les choses par le petit bout de la lorgnette, je vais, dans le laboratoire séparatiste britannique, prendre l'exemple du vin. On a dit et décrit partout depuis deux ans l'impact que le départ du Royaume-Uni de l'Union Européenne, et l'appauvrissement qui en découlerait, aurait sur les importations de vin. Moins dix pour cent au minimum pour les producteurs français, il semble d'ailleurs que ce soit davantage. Un partisan de Farage, Puigdemont, Le Pen & Cie, évidemment, me rira au nez, m'expliquant qu'on s'en fout et que ce qui compte, c'est le porte-monnaie de son compatriote qui prime, pas celui du vigneron du pays d'à côté. Imparable.


Sauf qu'une filière comme celle du vin repose sur de nombreux acteurs, en plus du producteur. À Londres, comment ne pas évoquer le puissant lobby des importateurs britanniques qui a longtemps fait la pluie et le beau temps, bien au-delà des rives de la Tamise? Or, un ralentissement de l'activité a forcément des répercussions sur ces acteurs locaux et la santé de leurs entreprises.
C'est ainsi que dans les allées du salon Prowein**, il a été abondamment question de l'important groupe Conviviality, qui détient notamment Matthew Clarke*** et Bibendum, puissants distributeurs anglais: "ils sont au bord de la faillite" m'a-t-on encore murmuré dimanche. "Il faut arrêter de les livrer, la Coface ne couvre plus." 
Ce matin encore me parvenait la copie d'un mail destiné à un vigneron languedocien lequel me racontait que l'an dernier Matthew Clarke lui avait moins vendu de vin que la station-service de son village! Le courrier l'avertissait de "la mauvaise situation financière de Conviviality, dont les actions chutent en bourse" et lui conseillant "de ne plus accepter d'enlèvement avant que les factures précédentes ne soient réglées". On ne saurait être plus clair, ça sent le sapin.
On me dira qu'il ne faut pas exagérer, noircir le tableau, et qu'en plus du Brexit et de la chute de la livre, d'autres causes, d'autres choix sont à l'origine de ce désastre annoncé. Certes, mais là, maintenant, j'ai une pensée pour les employés de Conviviality qui ont voté pour que la Grande-Bretagne largue les amarres de l'Europe.




* Avec les résultats économiques mirifiques que l'on sait, plus de trois mille entreprises ont sorti leur siège social de Catalogne alors que l'on apprenait avant hier que les épargnants avaient sorti plus de 31 milliards d'euros de leurs comptes en banque locaux.
** Dont j'évoquais ici les souvenirs de vacances…
*** Il serait question pour sauver ce qui peut l'être de brader cette filiale.


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