My #blogueur is rich.


Je sais que pas mal d'entre vous, chers lecteurs, bien que souvent très sociables, ne fréquentent pas les "réseaux sociaux". C'est un tort ! Grâce à eux, et une étudiante en vin, j'ai découvert hier ce qui est peut-être le meilleur plan détox du moment. Oui, parce que vous savez, les fêtes arrivent, et comme j'ai fait quelques excès le week-end dernier, il serait judicieux que je me mette au vert une dizaine de jours. Et là (conseillée il est vrai par son professeur de marketing qui voyait en lui le successeur de Bébert Parcœur), l'étudiante m'a invité à aller visiter le blog du moment, The Best je sais plus quoi. Par parenthèse, ça m'a inquiété d'être passé au travers d'une telle révolution, je me suis dit "Tonton, tu vieillis", et j'ai demandé autour de moi, à des Français, des Espagnols, des Anglais, tous profondément impliqués dans le Mondovino, ouf! eux non plus ne connaissaient pas*.
Me voilà donc parti volant sur les ailes du vin, enfin surfant à coups de hashtags** sur un #wine #web #passionate #porn #talent #enthusiat #winelover #social #etc. Et peu importe si tout cela a l'allure de ces bouquins Bordas des années 80 enrichis par une photothèque allemande de l'Est qu'on retrouvait soldés dans le rayon du bas des stations-service d'autoroute, ce petit génie, comme l'expliquait l#experte prof de #marketing, connaît un succès considérable, planétaire. La preuve, cette foule de followers qui se jette à ses pieds. Sur Twitter, sur Instagram, des dizaines, des centaines de milliers!


Très amusant d'ailleurs d'en parcourir la liste, de ces followers bigarrés. Ceux qui (comme la prof de #marketing) se dopent à l'optimisme seront émerveillés qu'elle soit aussi hétéroclite, entre un fan stambouliote d'Erdogan et de l'armée turque, une société d'agents de douanes chinois, une école coranique, une pseudo-chaîne de télévision arabe et même une certaine Trinia Somer (et ses nombreux cousins et cousines) qui vous propose d'acheter cinq mille followers pour vingt-neuf dollars seulement. Une petite remarque d'ailleurs concernant ce dernier point, il convient de regarder de plus près l'offre de cette demoiselle Somer (qui est sûrement un peu coquine) puisqu'en fait , il vaut mieux directement lui en acheter cent-mille, c'est beaucoup plus avantageux puisqu'elle les vend sur son site à deux-cent-soixante-quinze dollars seulement, soit une économie de plus de cinquante pour cent! Sans vouloir vous assommer les chiffres, ça nous ramène le follower de qualité garantie, avec retweets et tout le toutim, à 0,275 cents pièce.
"Vous n'avez rien compris, s'énerve la prof de #marketing, ce garçon repousse les frontières du monde du vin!". Forcément. Sa conversion des gaziers de l'école coranique est d'ailleurs un modèle du genre, digne des missions jésuites chez les indiens guaranis. Eh oui, le pauvre Johnny, à côté de lui, était un quasi inconnu. D'ailleurs, le blogueur en question chante en anglais, ce qui explique qu'il surpasse aisément notre (regretté) Elvis Presley hexagonal.


Cela étant, redevenons sérieux, quelle que soit la langue utilisée, ça fait longtemps que je n'avais vu pareil robinet d'eau tiède (avec de vrais morceaux de pub dedans). Le genre de type, quand il dit un mot, normalement, tu devines les trente suivants. Le cadeau-Bonux étant cet espèce d'enthousiasme forcé, surjoué à l'amerloque, qui fleure bon le #Vinocamp et la réunion Tuperware. Bref, on y vend le vin comme du Banga ou des Tampax au siècle dernier.
Ayant un bon fond, et tenant à remercier l'auteur (parce que vraiment, après avoir passé une demi heure en compagnie de son jus de marketing, je suis sevré jusqu'aux fêtes), je vais éviter de vous donner le lien de son grand œuvre (au masculin, j'y tiens). Mais ce monceau de ringardise provinciale, dont j'imagine qu'il satisfait pleinement certains directeurs de com' d'interprofessions ou de syndicats pinardiers***, me ramène à une phrase du vigneron alsacien Jean-Michel Deiss, aussi précis, lui, sur les vins que sur les mots. Il était l'invité le week-end dernier du Bordeaux Tasting organisé par le magazine Terre de Vins et, en autres aphorismes, a lâché lors d'une conférence**** "le monde du vin est devenu une secte qui parle un langue morte". Certes, notre #best #wine #blogueur vendeur d'aspirateurs cause le patois des rosbifs, malgré ça et la foule de ses followers qui impressionnent la prof de #marketing, il nous rappelle que le bruit ne compense pas l'absence.




* en même temps, ne nous leurrons pas, la visibilité d'un blogueur, fut-il, le Best of machin-chose est plus que relative, D'un blogueur ou même de la plupart des grands journalistes du vin qui demeurent eux aussi des inconnus.
** Oui, vous savez, lecteurs asociaux (a-réseaux sociaux en tout cas), le hashtag, #, ce truc qu'on utilise quand on n'a rien à dire et qu'on veut que ça se voie.
*** Quantitativement, ça fait ventre. Comme supplétif en tant que voyageur et déjeuneur de Presse, puis, dans les réunions et les assemblées générales, ça rassure le cotisant de base: "regardez ce bel article en anglais sur les vins de notre région!"
**** Conférence racontée ici. Quant aux vins de Jean-Michel Deiss, si vous n'avez pas encore eu la chance, foncez! J'ai encore la larme à l'œil en songeant à un vieux magnum d'Altenberg 1998.




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