Fous-y la langue !


Quel plat voluptueux ! Et pourtant, un jeu d'enfant à cuisiner. À la portée, même de ceux qui ont deux mains gauches. Accessible aussi aux fauchés ou aux radins, parce que vraiment, ça ne coûte rien, il suffit d'aller serrer la louche à ce bienfaiteur de l'humanité gourmande qu'est le tripier, celui sans lequel un marché n'en n'est plus vraiment un.
Répétons-le une fois de plus quitte à passer pour des radoteurs, pour de multiples raisons, écologiques, économiques, gastronomiques, une bête se mange de la tête aux pieds. Et dans la tête, il y a quoi?


La langue, bien sûr! Qu'on peut préparer de mille manières. Celle-là, passée de vie à trépas du côté de Tordera, fraîchement rapportée de la Boqueria, a été plongée dans un court-bouillon mouillé à moitié de restes d'une dégustation foireuse de vins blancs catalans (ça économise le vinaigre…), agrémenté de carottes d'ici, d'oignons dit Figueres (violets et doux), d'ail de Lautrec*, de poivre blanc, de romarin rapporté de ce pays où naît le "beaujolais catalan", de vert de poireau et de quatre-épices. Elle y a passé trois heures à petit bouillon, puis y a reposé une nuit. Non sans qu'au coucher (tardif) nous n'en prélevions quelques tranchettes, côté attache, pour un casse-croûte aimablement saupoudré de piment d'Espelette et de gros sel de Gerri.


Pour le lendemain midi, en revanche, place à un certain classicisme. Dans une grande poêle, du beurre (pour moi, presque toujours, veau égale beurre) et des échalotes en lamelles que l'on évite de faire roussir, des tomates de Sant Climent, celles si bonnes qui sentent la fin, que l'on coupe en gros morceaux non épluchés et qu'on cuira peu, pour conserver leur côté fruit d'été. Les carottes du court-bouillon dont la douce acidité fera cornichon et deux cuillerées à soupe de câpres de Pantelleria**, au sel évidemment, ce sont d'ailleurs elles qui saleront cette sauce.


La langue, épluchée grossièrement, est tranchée, posée sur la sauce et servie généreusement saupoudrée d'un bon piment d'Espelette (docteur, pense stp à m'en rapporter de Saint-Jean, j'espère qu'il est bon cette année***). On accompagnera cette histoire de pommes-vapeur et d'un rouge amical mais tannique, "correct mais viril" comme disent les vilains machos comme moi: tannat du Pays basque, braucol du Midi toulousain ou du Rouergue, merlot du Fronsadais, cabernet de Loire, mencía de Galice…


Dans l'assiette, le résultat est plaisant. Très. 
J'ai d'ailleurs oublié de le photographier. Après en avoir vidé deux, je me suis aperçu que j'avais oublié de dégainer mon ailPhone. C'est bon signe quand la cuisine se mange plus facilement qu'elle ne s'instagrammise.




* Mais enfin, je me rends compte que je ne vous ai pratiquement jamais parlé ici de ma drogue dure! Il faut que j'y remédie rapidement.
** Ça peut sembler bizarre d'aller les chercher dans ces îles étrangères, il est difficile d'en trouver d'andalouse au sel, sans saumure.
*** Sans faire ma sucrée, je le préfère plus parfumé que piquant.


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