On n'a pas vu la Vierge…


Je crois que le plus horripilant pour un client de restaurant (en plus de mal boire et mal manger) c'est d'être traité comme un supplétif. Une faute de goût particulièrement sensible dans les bouclards qui se la jouent un peu "show-biz", reconnaissables à leur déco branchée de galerie marchande. Le taulier, les loufiats, le cuistot n'ont d'yeux que pour leur "carré VIP" (fut-il provincial) et ne calculent même pas ce couple "d'anonymes" (comme on dit dans la boîte-à-cons) qui se contentera de ce qu'il y a et quand on aura le temps de lui servir… 
Ce genre de mésaventure, imparable signature d'un parfait amateurisme, on me la racontait encore hier soir, récemment survenue à un couple justement, de Toulouse, dans un bistrot à vin de quartier. Une assiette moyenne, avec inévitablement trois merdes tièdes isolées dans un coin surmontées d'un camouflage végétal, un service du vin absent* et la désagréable sensation de n'être qu'une carte bleue sur pattes, alors que pour les tables voisines on avait mis les petits plats dans les grands.


Si je pense à ça, c'est au parce qu'au contraire j'ai adoré l'accueil dans un établissement bien moins prétentieux de la Ville rose. Pour le coup, j'y arrivais anonyme, puisque, fidèle à ma vieille habitude, j'y avais réservé sous un nom d'emprunt; rien n'avait donc été prémédité. Un établissement nouvelle manière, Foodingable (ce sont les étiquettes de pif qui décident) mais dont la formule me semblait une bénédiction: il ne s'agit ni plus ni moins que de recréer le petit bistrot à l'ancienne: tables serrées, rue populaire**, menu de midi*** bon marché, une espèce en voie de disparition.


Pour dire vrai, mon anonymat n'a pas tenu bien longtemps. L'équipe compte un transfuge de Barcelone (débarqué du Brutal, le bar à pijos naturistes d'El Born). Mais à l'inverse de la vilaine histoire du début, il ne m'a pas été difficile de me rendre compte que le service et les assiettes étaient les mêmes pour tous les clients, connus ou pas. Et l'un comme l'autre étaient de qualité, ce qui n'est plus si courant dans cette ville qui se la joue si souvent désormais "à la parigote".


Qu'on s'entende bien, Le Rocher de la Vierge n'est pas le nouveau spot gastronomique occitan****. Mais on y déjeune agréablement, rustiquement, sans forfanterie, on y boit correctement (mais si on aimerait bien s'y sentir davantage dans le Sud-Ouest) et, en prime, il arrive même que les filles y soient belles, très belles.
Tenez, l'autre jour, avec mon docteur, sa femme avec laquelle il vit dans le péché, et un caviste toulousain qui relevait de blessure, on a brunché d'une andouillette, de jambonneau au maquereau et de jurançon sec, puis de tendrons de veau. Bref une nourriture normale, aimablement cuisinée, ce qui dans la patrie de la métronomie et de congelé industriel est (malheureusement) en passe de devenir une rareté.


Rien de plus, rien de moins, on est lucide, on n'a pas vu la Vierge. Juste donc une petite adresse sympa qu'il fait bon avoir dans se poche, parce que franchement, on n'a pas une tronche à aller bouffer un sandwich debout, comme des Anglais. Et pas non plus à aller traîner dans des restos de marchands de fringues…



* Coup de chance, ils sont sauvés, à leur initiative, par un cahors de leur connaissance, un vin du Causse calcaire dont j'avais parlé ici.
** À l'orée d'Arnaud-Bernard, la Casbah toulousaine.
*** L'établissement est également ouvert le soir, mais franchement son positionnement au déjeuner me semble idéal. Il rejoint donc dans mes tablettes des adresses comme Le Temps des VendangesLe Tire-Bouchon, Le Bon-Vivre, ou encore cet étonnant restaurant privé de l'avenue de la Gloire, L'Underground de Marie D. Sanchez.
**** On se la joue davantage bistrot que chez le voisin dont je parlais l'autre jour.


Commentaires

  1. Une bien belle adresse, Vincent ...
    Magnifique rognon (entre autres).
    Vins natures (encore cette tendance de diabolisation du soufre à outrance mais bon) bien mis en scène par le sommelier catalan.

    J'aime bien "la binocle" aussi (lièvre à la royale top, vins nature itou, je m'adapte ...).

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  2. Une vraie cuisine de bistrot en effet... Pas de la "branlette pour bobos" dont "tout viendrait de chez Métro"...

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