Naturistes, hygiénistes, même combat ?


N'étant pas aussi clairvoyant qu'un sondeur ou un analyste politique de la télé, je ne sais pas trop ce qui sortira des prochaines élections françaises. J'ai une idée en revanche de ce que je crains dans ce Monde dangereux où l'inquiétude ne fait généralement qu'ajouter du danger au danger. Ce qui est certain, c'est que la France moche fera entendre sa voix, brutale comme le haut parleur du pousse-caddie.

En attendant, c'est la France triste (sœur jumelle de la France moche) qui donne du coffre, celle qui veut aseptiser, contrôler, éteindre. À l'approche des présidentielles, les fonctionnaires subventionnés de l'Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie indique la voie à suivre aux candidats pour rendre ce pays encore plus déprimant qu'il n'est. S'ensuit donc un inventaire à la Prévert (la poésie en moins, la poésie, c'est mal, c'est une drogue!) des mesures qui permettront notamment d'engager davantage la nation du vin sur le sentier très peu lumineux de la Prohibition. Le tout présenté sous forme d'interrogatoire aux différents candidats.


Il est ainsi question d'imposer un prix minimum aux boissons alcoolisées. Un système imaginé par des hygiénistes Anglo-Saxons mais très peu appliqué actuellement. Assez complexe aussi, genre usine-à-gaz (ça permettra d'embaucher quelques gratte-papiers et contrôleurs de plus, on en manque en France…), le produit est taxé en fonction du nombre d'unités d'alcool qu'il contient. En théorie, donc, cela pénalise les boissons les plus fortes, et les buveurs les plus assidus.
Mais, la mesure qui m'a frappé, qui vise exclusivement le vin (et mise en avant ici par Vitisphère), c'est la demande d'un étiquetage exhaustif, sur chaque bouteille, de ce qu'elle contient.
  1. - la quantité d’alcool pur (attention, ce n'est pas le titre)
  2. - l’apport calorique
  3. - sa composition avec notamment la teneur en sulfites (pas la mention contient sulfites, mais la dose)
  4. - sa teneur en résidus de pesticides et autres produits phytosanitaires (ce qui implique une analyse du produit fini, a posteriori, en recherchant des dizaines de molécules et en affichant leur taux)
  5. - une mention plus visible du risque pour les femmes enceintes.


Il est évident que, sauf dans l'esprit des fonctionnaires de l'ANPAA (qui ont du en fumer de la bonne…*), faire tenir tout cela, de façon lisible sans microscope (principalement l'analyse), sur l'étiquette d'une bouteille de vin est impossible. La seule solution est de renvoyer à une page web via un lien de type QR Code, comme je l'expliquais dans cette chronique qui montrait qu'effectivement il est possible d'indiquer ce que contient (ou pas) le produit en matière de résidus de pesticides.
Reste que se réalise là une de mes vieilles prédictions**, la jonction d'un certain marketing naturiste et des incantations hygiéno-prohibitionnistes, au nom de la Santé publique. L'ANPAA, qui ne déçoit jamais***, prend d'ailleurs avec aisance les patins du message distillé depuis quelques années dans les médias français, "vignerons-empoisonneurs-pollueurs!"****, et se lance dans une campagne anti-SO2 digne d'un néo-sommelier du XIe arrondissement.
La boucle est bouclée. Peut-être serait-il temps de recommencer à vendre du vin autrement qu'en lui crachant dessus? En parlant, par exemple, de plaisir…




* Ils préconisent d'ailleurs, implicitement, la légalisation du cannabis. 
** Lisez, lisez, c'est ici, et ça date de 2012. En voici un extrait, le texte s'adressait à Antonin Iommi-Amunategui, à l'époque blogueur et désormais organisateur de salons vinicoles:
"Pour de nombreuses raisons, en tête desquelles mon amour immodéré du vin, je ne suis évidemment pas partisan d'un matraquage des jus, ni au SO2 ni à rien d'autres. Je n'ai pas spécialement envie non plus de me faire l'avocat du soufre, je veux bien lutter contre les idées reçues mais la perspective du martyre de saint Sébastien ne m'enchante guère, pas plus que celle de débats scientifiques à l'iranienne avec des détenteurs de bacs littéraires. Je veux juste répéter ici ce que je disais ce matin à Antonin Iommi-Amunategui. Il me semble que si l'on réduit le vin à ses possibles effets nocifs sur la santé, le boomerang va vite nous revenir dans la figure. Au delà de cette histoire de soufre, d'une certaine façon sanitairement assez anecdotique, est-ce le rôle des amoureux du vin que d'apporter de l'eau au moulin du Pr Got et sa clique hygiéniste? Ne vont-ils pas sauter sur l'occasion pour nous expliquer à quel point le vin est un poison? Le tout sur l'air de "on vous l'avait bien dit ma pôv' dame…" Mais, eux, il ne vont pas jouer à touche-pipi avec quelques milligrammes de sulfites, on va parler de grammes, de grammes toxiques, de l'alcool contenu dans chaque bouteille et du nombre de décès annuels qui en découle. "Regardez, ajouteront-ils, perfides, ces cirrhoses et ces cancers du foie, jusque chez les vignerons!" Car effectivement, il n'auront pas tort, avant que dans le vin nous absorbions des doses létales de soufre, l'alcool nous aura tué depuis longtemps!
Donc, oui, j'en suis convaincu, Antonin, vendre le vin ou une catégorie de vins en faisant cause commune avec l'hygiénisme est une pente savonneuse. Ne nous trompons pas de combat."
*** Vous vous souvenez de ça, en matière d'outrances, ça valait mille?
**** Ce qui ne signifie pas qu'il fasse masquer les problèmes existants. Mais de là à en faire un business…



Commentaires

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés