Désolé, Georges, le temps fait beaucoup à l'affaire…


Oh, pourtant, on s'en régale plus souvent qu'à notre tour, des conneries de la dernière averse. Nouvelles bouteilles, nouvelles tables, nouvelles lectures, nouvelles idées, nouveaux regards… En n'oubliant pas toutefois de se méfier des impostures à la mode, de la factice urgence de "l'indispensable nouveauté" (on parle de chez toi, Georges…), nimbée d'extases sponsorisées.
Du neuf, du frais, du pimpant, oui, d'accord, tant que vous voulez! Dans le vin, par exemple, à l'image de ces délices portugais ou galiciens que j'évoquais il y a peu, autant de trouvailles qui ont en plus le mérite de nous rappeler que finalement nous avons encore tellement à découvrir.
Mais parfois, surtout quand elle s'emballe et donne le tournis, quel bonheur de se reposer de l'actualité. De faire une pause. De choisir de se rassurer.


Et là, mon pauvre Georges, contrairement aux cons, en matière de vin, le temps fait beaucoup à l'affaire. Le temps de garde, bien sûr, il y a tellement de bouteilles qu'on sacrifie trop jeunes, mais pas que. Le temps, c'est aussi l'antériorité* qui se traduit par quelque chose que nous allons qualifier de "professionnalisme". Cette vertu, jadis célébrée, n'a plus guère la cote dans un NéoMondovino qui biberonne à la nouveauté. Au contraire, le brouillon de jaja, le pinard bricolé sont portés aux nues par une ribambelle de commerçants avisés soutenus par une escouade médiatique d'influenceurs qui préfèrent souvent boire des intentions plutôt que du vin**.
Pourtant, verre en main, ça se sent vraiment quand le vigneron est un type de métier, et que de surcroît ses vignes ne sont pas plantées sur un ancien champ de maïs. Et c'est agréable. Reposant. Appelons ça le vin confortable. Délicat, précis, qui ne jure pas comme un charretier. Qui ne sent ni l'aisselle de travailleur de force, ni la vinification à la va-comme-je-te-pousse.
À l'image de ces deux blancs splendides, le riesling aérien sans brutalité, sans simplisme variétaux, le meursault dans sa classique évidence. Merci Étienne! Merci Jean-Marc! Merci à vous, à vos familles, à tous ceux qui vous ont précédés. Merci pour tout ce temps. Cette trajectoire, cette permanence, ce "dur désir de durer" nous réconfortent en des jours inquiets.


Eh oui, Georges, il est des sports, comme ce "jus d'octobre", où le temps fait vraiment beaucoup à l'affaire. Tu le savais bien d'ailleurs qui t'es voulu intemporel. Ce temps, cher à Bacchus, dont Cupidon, ni même Vénus ne se foutent. Car le temps qui bâtit de grandes bouteilles, de grandes maisons et de grands histoires, engendre aussi de grands amours. De ceux, inaltérables, qui se gravent dans la peau, comme ce couple de dauphins, révélé en fin de soirée, après le Grossi Laüe, le Clos de Mon Plaisir et tant d'autres "jus d'octobre" (dont certains forts âgés). Les dauphins de deux vieux amoureux, mariés et remariés par Neptune, qui connaissent eux aussi la valeur du Temps.






* Notion évoquée plus longuement ici.
** Grand bien leur fasse, à condition qu'ils ne cherchent pas à nous imposer cette "règle".

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