Éjaculation précoce & tomates en plastique.


C'est grossier, mais c'est devenu une habitude de l'époque, comme les zaricots et les coups de téléphone à table: désormais, on vous la souhaite bonne dès décembre. Avant même que l'année nouvelle n'ait poussé ses premiers vagissements (lesquels éventuellement peuvent ressembler à des rots de mauvais champagne). Donc, depuis quelques jours, à l'amerloque, nos boîtes-à-lettres numériques s'encombrent de sourires commerciaux qui ne devraient pas changer grand chose à 2015 mais dans lesquels on sent poindre comme un soupir de soulagement. Celui de s'être débarrassé d'une corvée.

Le joyeuses-fêtes-bonne-année du jour qui m'a fait rire ce matin, c'est celui de l'Adrià's Company, dont l'intitulé commercial est BCN 5.0. Cette structure rassemble les mangeoires barcelonaises (dont des étoilées) de l'ancien chef d'El Bulli et de son frère Albert, Tickets, Pakta, Bodega 1900, Hoja Santa
Bon, la première information, c'est qu'ils ne sont pas rancuniers, surtout après le compte-rendu que j'avais fait de mon intoxication chez Tickets. La seconde, même si elle n'est qu'une confirmation, c'est que ces gens-là ont une culture, une connaissance et un amour du produit au moins aussi considérables que celui d'un guichetier de McDonalds.


Parce qu'enfin, qui à part des valets de Monsanto, oserait encore dans le Mondogastro identifier sa cuisine aux saloperies de tomates en plastique qui ornent cette carte de vœux précocément éjaculée? Des tomates de décembre, ça va de soi; quand on est "un des plus grands chefs du Monde", la saison, forcément, cette petite chose ridicule, n'existe plus. On est bien au-dessus de ça.
Quoiqu'il soit, cette image vaut mieux qu'un long discours. Nous sommes là en plein dans la doctrine des cuistots créatifs d'aujourd'hui*, hors-sol, asservis à l'Internationale de la Malbouffe, mélangeant business douteux et ambitions cantinières. Dans celle de la poursuite du grand projet de déstructuration de notre patrimoine biologique et gastronomique. En plein aussi dans cette tradition espagnole, remontant à Franco, qui a fait de l'agriculture productiviste ibère la fille aînée de l'Amérique**. À l'image de Tickets et des autres restaurants des Adrià, maqués entre autres avec Caca-Cola.



* La tomate en plastique est d'ailleurs toujours très tendance, puisqu'il s'agit, je l'écrivais il y a peu, d'un des grands produits mis en avant par Omnivore.
**Lire ou relire ce billet où l'on révélait le rôle joué par un secrétaire d'état espagnol, Josep Puxeu, pour tenter d'imposer les OGM en Europe, contre l'avis de la France.


Commentaires

  1. nous dirons qu'elles viennent de l'hémisphère sud...hum...hum...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. De l'hémisphère sud de l'Espagne? Almería?

      Supprimer
    2. Mais ne nous moquons pas trop vite: les tomates-référence des gastronomes en culotte courte d'Omnivore/GL Events viennent elles de notre France nationale et ne valent pas mieux en terme de rapport au terroir.
      http://ideesliquidesetsolides.blogspot.com.es/2014/11/sujet-verbe-compliment.html

      Supprimer
  2. Wow, posting really inspired me. Thank you for sharing about this. Gasa | Foredi

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés