Noël étouffe-chrétien.


C'est en pénétrant sur la place Sant Jaume que j'ai remarqué cet attroupement. Juste au pied de la Generalitat de Catalunya (sorte d'équivalent d'un conseil régional français mais avec des possibilités de corruption améliorées). Apparemment, ce n'était pas une manifestation; elles sont nombreuses, quasi-quotidiennes, sur cette esplanade pavée, cœur historique, administratif et politique de la Catalogne, où se trouve également l'ajuntament, la mairie de Barcelone.
Beaucoup de locaux, mais aussi une foule de touristes dans cet attroupement surveillé par des agents de la Guardia Urbana plus débonnaires que d'habitude. Pas de doute, il ne pouvait s'agir que d'un évènement officiel.


Pas de cris, pas de heurts, tout le monde était là pour voir, photographier la crèche de Noël 2014. Une crèche organisée comme chaque année par la municipalité. Pour ce millésime, le thème (comme spécifié sur son site Web) est de célébrer la Barcelone, la Barcino romaine où, catalanisme oblige, l'on a décidé de faire naître le Christ.
Ne comptez pas sur moi pour ajouter mon grain de sel à ce débat-rideau de fumée qui a mobilisé les politiciens, les préfets, les médias français et qui a permis d'éviter une fois de plus de parler des problèmes majeurs. Moi qui suis religieusement sang-mêlé, mi-luthérien, mi-jésuite, j'ai passé mon enfance dans une maison sans crèche sans être dérangé le moins du monde par celle des voisins. Pour ce qui est de l'Espagne d'où je vous parle, les règles y sont différentes, surtout dans cette très cléricale, très traditionaliste Catalogne. Bref, vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà…


N'empêche que si l'on se met, du côté français des Pyrénées, à expurger la fin décembre de tous les symboles chrétiens, il va y avoir du boulot. D'abord et avant tout, finis les congés de Noël. Pour les agents de l'État en priorité, puisqu'administration et laïcité, c'est sacré… En suivant, ce serait amusant quand même une grève de la CGT pour demander le respect de la tradition religieuse, non?
Au niveau de la déco municipale, on songera aussi à interdire toutes les guirlandes lumineuses, et tous les sapins de Noël, éminent symbole religieux, sorte de "crèche protestante"*. Y compris ceux des petits malins qui, comme à Paris, déguisent le leur en gigantesque plug anal.


Tant qu'à y être, et comme on est dans un pays où les fonctionnaires aiment bien faire la loi (cf. ma chronique d'hier), autant réglementer les menus de réveillon. Enfin de ce qu'il en restera. Là, je dois dire que ça m'arrange plutôt. On prononcera l'interdiction, sous peine d'amendes, du saumon de merde et de la dinde d'usine. Pour les truffes, on reviendra au rythme naturel, ce qui fait qu'on ne sera plus obligé de se taper en décembre des tuber melanosporum pas mûres, maquillées à l'huile de butane**, juste pour frimer sur Facebook.
Et, comble du bonheur, miracle de la Nativité (pardon…), l'État prohibera un dessert dont j'ai une sainte (re-pardon…) horreur: la bûche de Noël. Oublié, ce pensum lourdingue, synthétique, cet amoncellement pseudo-artistique (tendance peintre-cheminots)! Oublié l'étouffe-chrétien! Hosanna!
— vous en prendrez bien un petit morceau?
— non, non merci, désolé, je suis au régime. En plus, je suis devenu allergique au gluten…


Moi, en tout cas, je sais par quoi je vais la remplacer, la bûche. Par un de ces délicieux desserts d'hiver moches selon les pom-pom girls de la foodisterie, un de ces desserts qui servent davantage à être mangés que photographiés. Un dessert moins créatif, certes, mais où le goût n'est plus relégué au rang subalterne de variable d'ajustement. Un pain perdu. Avec du bon pain qui ne pue pas la chimie. Un pain qui sent le travail, rassis comme il faut, surtout pas frais! Et des œufs de ferme. Et du lait d'étable, cru, du bon beurre cru, lui aussi, tout comme la crème fraîche. Sans oublier cette vanille rapportée en fraude par un Roi-mage qui constituera, dans son formidable exotisme, dans sa munificence, mon seul, unique et merveilleux cadeau de Noël. Avec juste un peu de vin de paille. Qui me rappellera la paille de la couche du petit Jésus.




* Le sapin de Noël est le pendant luthérien de la crèche catholique, son opposé même. Cette tradition venue d'Allemagne s'est propagée avec la Réforme : les protestants abhorraient les représentations des personnages bibliques, à commencer par Jésus et Marie. Les santons ne pouvaient donc être utilisés, le symbole de Noël est donc devenu le sapin, même si la célébration est d'origine païenne. C'était le sapin protestant contre les santons catholiques. En France, dans un premiers temps, cette tradition se limite à l'Alsace. Après la guerre de 1870, les familles alsaciennes fuyant leur région font connaître la tradition de l'arbre de Noël dans toute la France.
** Pour les explications quant au méthyl 2-butanol et à l'huile "de truffe" bidon, c'est ici.

Commentaires

  1. Toi, je vois bien que tu n'as jamais goûté à la bûche de ma grand-mère (comme au reste de ses œuvres pâtissières). Sinon tu n'écrirais pas ça.

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  2. Juste pour bien comprendre..... Dans votre ancien article vous parliez du methyl 2-butanol (formule incomplète) comme d'un mercaptan???

    NicoJ

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  3. oui tu as aussi l'omelette norvégienne géante servie hier soir le 17 décembre à Toulouse pour le gala du club de Havanes Epicur conçu par notre ami Moustache (le même que la bodega éponyme à la Féria de Béziers).
    et le Rancio sec de la Tourasse sur le foie gras (passionnant de voir nos futurs collatéraux régionaux réagir sur ce vin ancestral. A ce propos l'AG des Rancios secs du Roussillon vient de se dérouler avec en prévision quelques bons moments en 2015. On en reparle. Ah aussi une soirée Havane prévue vers mai à Port-Vendres sur un boat people ...

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  4. Content de découvrir ce blog .
    Merci pour ce partage .

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  5. Bon d'accord Vincent mais on bois quoi à Noël ??

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