Métro, c'est trop !


Au début, j'ai cru que c'était de l'humour. Quelque chose d'un peu sarcastique, un peu mordant pour cette gastronomie "moderne", "jeune", cathodique qui, de MasterMachin en Chef-Bidule, oublie souvent avec allégresse les fondamentaux. En fait, pas du tout. C'était du premier degré, pur jus, pur sucre.
De qui s'agit-il? Nicolas Gautier, cuistot dans le Nord-Pas-de-Calais, dont j'apprends au passage qu'il est un des initiateurs de l'app Baladovore qui traîne quelque part sur mon iPhone et qui recense les bonnes adresses de producteurs des chefs.
Où? Sur Facebook, où il a fait part de son indignation (vu le ton…) face à ce qui lui semble apparemment être un des maux de la Restauration.


Afin d'éviter tout malentendu, tout contre-sens, j'ajoute un extrait de la suite de cette conversation entre professionnels des métiers de bouche. Comme vous le voyez, c'est bien de normes d'hygiène dont il s'agit, et de rien d'autre.


Pour le reste (je suis vraiment un gros naïf!), aller faire ses courses chez Métro quand on est un chef étoilé, estampillé terroir, ça ne pose de problème à quiconque, on est dans le "normal", dans "l'habituel", le conventionnel.
Ne voyez ici aucun règlement de comptes, je n'ai aucune acrimonie contre ce cuistot en particulier (contre aucun autre d'ailleurs) qui est sûrement un brave type. Je ne le connais pas, je n'ai jamais mangé ce qu'il sert, le seul lien (si ténu!) que j'arrive trouver entre lui et moi, c'est qu'il exerce actuellement à La Laiterie, une maison que je "connaissais" par le biais de Benoît Bernard, Ben dont je vous avais parlé ici, dans ce billet (qui d'ailleurs se moquait un peu de l'excès de normes), alors que nous courrions les marchés de Barcelone en quête de produits qui se mangent, sains, propres, artisanaux. Le Baladovore Nicolas Gautier (ci-dessous dans une interview à Atabula) aurait  sûrement apprécié cette balade gourmande entre gambas rojas crues, morue nacrée et foies de lotte.


Mon grand âge me permet d'avoir connu temps où les chefs, et plus encore les chefs étoilés, c'est au marché qu'on les rencontrait, en buvant le coup avec le tripier ou le chevrotier. Ou dans des cours de ferme. Quant aux premiers restaurateurs qui ont franchi le Rubicon, aux novateurs qui, dans les années 90, ont commencé à jouer au pousse-caddie, ils se cachaient plus encore que pour aller au bordel!
Alors, je sais, on va me dire de tout, que chez Métro, on n'y va que pour acheter des bêtises, des compléments, des papier-cul. Qu'il ne faut pas se fier aux apparences. et qu'en plus, on trouve de magnifiques produits dans ces beaux entrepôts de banlieue, le top, le must! Et que de toute façon, aujourd'hui plus personne ne fait la différence. Ben, voyons… Dans ce cas-là, il faut arrêter les émissions télé gastro-folkoriques grand public durant lesquelles les chefs posent en veste de cuisine justement (l'hygiène! l'hygiène!) aux côtés du petit paysan du coin, du pêcheur à la ligne, les pieds bien ancrés dans le terroir. Oui, il faut arrêter ce cinéma: les reportages gastronomiques de demain, sponsorisées par la pieuvre de la grande distribution, il faut les tourner au "p'tit bar" de chez Métro, là où, en feuilletant le journal (pardon, les derniers catalogues…), on se fait offrir le café du matin. Comme au bon vieux temps. Comme aux halles.


Ce post somme toute anecdotique de Nicolas Gautier sur Facebook réveille en moi le malaise que je ressens la plupart du temps au restaurant, ce décalage entre les mots et les actes, entre l'assiette et le discours. Mais, est-ce mon malaise ou celui de cette vieille restauration gastronomique française qui n'a pas su évoluer? Qui a banalisé la malbouffe et s'est couchée devant l'industrie agro-alimentaire. Qui parfois même a vendu son âme comme le montrait ce billet récent sur le "fait-maison".
Il y a beaucoup d'ingrédients, souvent de médiocre qualité qui entrent dans cette mauvaise recette: une certaine déconnexion du réel, la religion des belles paroles, du bio à tout prix, la difficulté de travailler et de faire travailler. Bien sûr que l'État, ce gros dépensier ventru qui ne sait jamais dire non aux pleureuses et aux colériques, avec son armée mexicaine de fonctionnaires semblable au clergé de l'Ancien Régime, n'est pas pour rien dans cette misère: les entreprises de restauration commerciale sont pressurées de tous les côtés, sans parler des normes idiotes qui leur sont imposées, grâce au lobbying (euphémisme…) des multinationales de la malbouffe. Bien sûr, mais ça n'excuse pas tout.
Car, même au pays de l'hypermarché roi, franchement, là, Métro, c'est trop!




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